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LES FENIANS.

mois où les tempêtes du Pacifique se déchaînent avec violence. Une quinzaine de jours, avait dit Walter, et le steamer serait là, et qu’étaient-ce quinze jours de patience après six années passées dans cet enfer de Port-Arthur !

On l’a vu, comme Walter ne pouvait songer à franchir les murs du pénitencier, ce serait au dehors qu’il chercherait à rencontrer Farnham lorsqu’il aurait à le prévenir. C’est alors qu’il lui indiquerait le jour où les fugitifs devraient quitter le bagne, et l’endroit où irait les prendre le canot de l’Illinois. Peut-être même, ce jour-là, au moment où leur escouade, occupée aux travaux extérieurs, se préparerait à revenir à Port-Arthur, parviendraient-ils à gagner le littoral… On verrait, on agirait suivant les circonstances… L’important était que Farnham fût averti à temps, qu’il reçût le dernier avis d’une façon ou d’une autre… Bien qu’il n’eût vu Walter qu’une fois, il le reconnaîtrait sans peine… Donc, pendant les jours qui allaient suivre, il devrait incessamment rester sur le qui-vive et, si Walter ne parvenait pas à s’aboucher directement avec lui, surveiller son approche, être toujours prêt à surprendre le moindre signe… Puis, lorsque Walter aurait laissé tomber son billet au pied d’un arbre, quelles précautions il prendrait pour le ramasser, et ensuite pour en faire connaître le contenu aux deux Irlandais !…

« On réussira…, ajouta-t-il. Toutes les mesures ont été bien combinées… L’arrivée de l’Illinois ne peut exciter les soupçons… Il mouillera à Hobart-Town comme un navire venu en relâche, et, lorsqu’il regagnera le large à travers la baie, les autorités maritimes n’auront aucune défiance !… Une fois en mer…

— Nous serons sauvés, Farnham, s’écria O’Brien, sauvés par toi, qui reviendras avec nous en Amérique…

— Frères, répondit Farnham, je n’aurai fait pour vous que ce que vous auriez fait pour l’Irlande ! »