Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
377
LES FENIANS.

ville le visita en 1840. Et ne sont-elles pas justes, les protestations du navigateur français contre ce régime barbare, lorsqu’il s’écrie : « Les peines encourues par les voleurs, les faussaires, elles n’ont pas été trouvées assez dures contre les condamnés politiques ; on les a jugés indignes de vivre parmi eux et on les a jetés au milieu d’assassins, de misérables déclarés incorrigibles. »

C’était donc là, en 1879, depuis huit longues années, que les deux Irlandais O’Brien et Macarthy avaient été transportés. Le régime du bagne, ils le subissaient dans toute sa rigueur, au milieu de cette tourbe immonde.

O’Brien était un ancien contremaître d’une fabrique de Dublin, Macarthy un ouvrier du port. Tous deux d’une rare énergie, ils avaient reçu quelque instruction. Des liens de famille, des souvenirs, des exemples les avaient enrôlés sous le drapeau du fenianisme. Ils y avaient risqué leur vie, ils y avaient perdu leur liberté. Pouvaient-ils espérer qu’après un certain temps cette condamnation aurait un terme, qu’une grâce leur permettrait de quitter le bagne ?… Non, ils n’y comptaient pas, et, sans doute, traîneraient jusqu’à la fin cette affreuse existence, s’ils ne parvenaient à s’échapper.

Une telle éventualité se produirait-elle ?… Les évasions de cette presqu’île de Tasman ne sont-elles pas impossibles ?…

Non, à la condition que le secours vienne du dehors, et, depuis plusieurs années déjà, les fenians d’Amérique avaient combiné divers moyens pour arracher leurs frères aux horreurs de Port-Arthur.

Vers la fin de la présente année, O’Brien et Macarthy étaient prévenus qu’une tentative serait faite par des amis de San Francisco en vue de leur délivrance. Le moment arrivé, un nouvel avis leur parviendrait afin qu’ils fussent prêts à cette évasion.

Comment avaient-ils reçu ce premier avertissement au péniten-