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LES FRÈRES KIP

Celui-ci ne fut pas moins ému à revoir les naufragés de la Wilhelmina sous leur accoutrement de galériens. Dans un premier mouvement, Karl Kip allait s’élancer vers son bienfaiteur… Son frère le retint. Et comme M. Hawkins — il s’imposait une réserve que l’on comprendra — ne fit aucun pas vers eux, ils restèrent immobiles et muets, en attendant qu’on leur adressât la parole.

M. Skirtle se tenait à l’écart, indifférent en apparence. Il voulait laisser M. Hawkins libre de donner à cette entrevue le caractère qu’il jugerait convenable, et à cet entretien le cours qu’il devait avoir.

« Messieurs… » dit l’armateur.

Et ce mot fut comme le relèvement moral de ces deux malheureux qui n’étaient plus que des numéros de bagne !

« Messieurs Kip, je suis venu à Port-Arthur pour vous mettre au courant de choses qui vous intéressent et dont je me suis occupé… »

Les deux frères eurent la pensée que cette déclaration devait se rapporter à l’affaire de Kerawara… Ils se trompaient. Ce n’était pas la preuve de leur innocence qu’apportait M. Hawkins, qui continua en ces termes :

« Il s’agit de votre maison de commerce de Groningue. J’ai voulu entrer en correspondance avec divers négociants de cette ville où, je dois vous le dire, il semble bien que l’opinion publique vous ait toujours été favorable…

— Nous sommes innocents !… s’écria Karl Kip, incapable de retenir la révolte de son cœur.

— Mais, reprit M. Hawkins, qui avait quelque peine à garder sa réserve, vous n’étiez pas en situation de pouvoir mettre ordre à vos affaires… Elles souffraient déjà de votre absence… Il importait que la liquidation fût rapidement menée, et j’ai pris vos intérêts en main…