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LES FRÈRES KIP

aux deux frères, faisait tout ce qui dépendait d’elle pour adoucir leur sort. Après avoir maintes fois parlé d’eux lorsqu’elle visitait M. et Mme Hawkins à Hobart-Town, elle se sentait prise de certains doutes, et, sans aller jusqu’à admettre qu’ils pussent être innocents du crime de Kerawara, du moins les preuves de leur culpabilité ne lui semblaient pas absolument décisives. Et puis, comment eût-elle oublié ce qu’elle devait au courage de Karl Kip ?… C’est pourquoi cette reconnaissante femme, poursuivant ses instantes démarches près du gouverneur de la Tasmanie, finit-elle par obtenir que, la nuit, les deux frères occuperaient une cellule particulière.

Avant d’être installés dans cette cellule, Karl et Pieter Kip voulurent une dernière fois remercier O’Brien et Macarthy de leurs bons offices.

Les Irlandais ne répondirent que froidement à cette démarche. Ils n’avaient fait que leur devoir, après tout, en défendant les deux frères contre des forcenés. Et, lorsque ceux-ci leur tendirent la main, au moment de se séparer, ils ne la prirent pas.

Et, quand ils se retrouvèrent seuls, Karl Kip de s’écrier :

« Je ne sais pour quel crime ces deux hommes ont été condamnés, mais ce n’est pas pour assassinat, puisqu’ils ont refusé de toucher la main des deux assassins que nous sommes !… »

Et, la colère l’emportant, il ajouta :

« Nous… nous… des meurtriers !… Et rien… rien… pour prouver que nous ne le sommes pas !…

— Espère, mon pauvre Karl…, répondit Pieter. Justice nous sera rendue un jour ! »

Au mois de mars 1887, un an s’était écoulé depuis que les deux frères avaient été déportés à Port-Arthur. Qu’auraient-ils pu obtenir de plus que l’adoucissement en leur faveur du régime du pénitencier ?… Aussi, quelle que fût la confiance de Pieter Kip