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LES FRÈRES KIP

la même salle, ils couchaient dans le même dortoir, ils travaillaient dans la même escouade. Enfin, ils furent employés à des travaux de l’intérieur, avec l’espoir d’être bientôt affectés aux bureaux de Port-Arthur.

On imaginera aisément tout ce que les deux frères avaient à se dire, quel sujet de conversation revenait sans cesse entre eux, et comment ils envisageaient l’avenir.

Et, lorsque le plus jeune voyait son aîné s’abandonner à la crainte que la vérité ne fût jamais reconnue, il lui répétait :

« Ne pas espérer, frère, ce serait manquer à Dieu !… Puisque notre vie a été épargnée, c’est que la Providence veut que les assassins soient découverts un jour… que notre réhabilitation soit proclamée publiquement…

— Le Ciel t’entende, Pieter, répondait Karl Kip, et je t’envie d’avoir cette confiance !… Mais, enfin, quels peuvent être les meurtriers du capitaine Gibson ?… Évidemment des indigènes de Kerawara ou de l’île d’York ; peut-être même de quelque autre île de l’archipel Bismarck !… Et comment les découvrir au milieu de cette population mélanésienne, dispersée sur tous les points du territoire ?… »

Ce serait difficile, Pieter Kip en convenait. N’importe ! il avait la foi… Quelque fait inattendu se produirait… M. Zieger, M. Hamburg obtiendraient de nouvelles informations…

« Et, d’ailleurs, dit-il un jour, en voyant son frère en proie au désespoir, est-il sûr que les assassins soient des indigènes ?… »

Karl Kip lui avait saisi les mains et s’écriait en le regardant les yeux dans les yeux :

« Que veux-tu dire ?… Explique-toi !… Penses-tu donc que quelque colon… quelque employé des factoreries aurait pu commettre ce crime ?…

— Non… frère… non !