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LES FRÈRES KIP

« Mon ami, dit Mme  Skirtle, dès que son mari fut rentré à la villa, après avoir remis le blessé entre les mains du médecin, que sera-t-il possible de faire pour ce malheureux ?…

— Rien… répondit le capitaine, rien si ce n’est de le recommander à la bienveillance de l’administration, afin qu’il bénéficie à l’avenir d’un régime moins sévère… qu’il soit exempt des travaux de force…

— Eh bien ! il faut informer dès aujourd’hui le gouverneur de ce qui s’est passé…

— Il le saura avant ce soir, répondit M. Skirtle. Mais tout se bornera à obtenir un adoucissement et non une diminution de la peine. Karl Kip et son frère ont été déjà l’objet d’une faveur, — et quelle faveur ! — puisqu’il leur a été fait grâce de la vie…

— Et j’en remercie le Ciel, comme je le remercie, l’infortuné, puisqu’il a sauvé notre pauvre enfant…

— Ma chère amie, répondit le capitaine, je ferai tout ce qui sera possible par reconnaissance pour Karl Kip. D’ailleurs, depuis que les deux frères sont arrivés à Port-Arthur, leur conduite a été irréprochable, et ils n’ont jamais eu à encourir les sévérités du règlement. Peut-être, je le répète, obtiendrai-je de l’administration supérieure qu’ils ne soient plus astreints aux travaux du dehors, plus pénibles encore pour des hommes de leur condition, et de les occuper dans les bureaux du pénitencier… Ce serait un grand soulagement dans leur situation de convicts… Mais tu sais pour quel crime ils ont été traduits devant la Cour, et sur quelles indiscutables preuves s’est fondée la conviction du jury…

— Mon ami, s’écria Mme  Skirtle, comment celui qui a été capable d’un tel acte pourrait-il être un meurtrier ?…

— Et, cependant… il n’y a aucun doute à ce sujet… Jamais les frères Kip n’ont pu établir leur innocence…

— Tu n’ignores pas, mon ami, insista Mme  Skirtle, quelle est l’opinion de M. Hawkins…