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LES FRÈRES KIP

— Que vous vouliez bien intervenir… du moins pour sauver la vie de ces malheureux…

— Intervenir ?… répondit le gouverneur. Ignorez-vous donc que la seule intervention possible était de se pourvoir contre l’arrêt qui a été prononcé ? Or, ce pourvoi, vous savez qu’il a été introduit en temps utile… et il ne reste d’espoir qu’en son admission… dans un délai très court… »

Tandis que parlait Son Excellence, M. Hawkins n’avait pu retenir des gestes de dénégation, et il dit à son tour :

« Monsieur le gouverneur, je ne me fais aucune illusion au sujet du pourvoi… Les formes de la justice ont été régulièrement suivies dans cette affaire… Il n’y a aucun motif qui permette de casser l’arrêt, et le pourvoi sera rejeté… »

Le gouverneur se taisait, sachant bien que M. Hawkins avait raison.

« Il sera rejeté, je vous le répète, reprit celui-ci, et alors, monsieur le gouverneur, vous seul pourriez tenter un dernier effort pour sauver la tête des condamnés…

— Me demandez-vous de solliciter un recours en grâce ?…

— Oui… un recours en grâce près de la Reine… Une dépêche peut être envoyée par vous au lord chief-justice afin que la peine soit commuée, ce qui nous réserverait l’avenir…, ou tout au moins que l’on sursoie à l’exécution de la sentence… Et alors… je ferai de nouvelles démarches… je retournerai, s’il le faut, à Port-Praslin… à Kerawara… je seconderai M. Hamburg et M. Zieger… et nous finirons par découvrir les vrais coupables, en ne ménageant ni l’argent ni les peines !… Si j’insiste avec cette passion, monsieur le gouverneur, c’est que j’y suis poussé par une force irrésistible, c’est que, la vérité enfin reconnue, la justice n’aura pas à se reprocher plus tard la mort de deux innocents !… »

M. Hawkins prit alors congé du gouverneur, non sans que