Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
337
EN ATTENDANT L’EXÉCUTION.

laissait quelque ombre dans son esprit. Ils se disaient que le cœur de cet excellent homme ne leur était peut-être pas entièrement fermé. Aux témoignages si affirmatifs du maître d’équipage et du mousse Jim, s’il n’avait pu opposer que des présomptions morales, du moins les avait-il présentées au jury suivant l’inspiration de sa conscience.

Quant aux divers témoins, auraient-ils pu déposer autrement qu’ils ne l’avaient fait ?… Pour Flig Balt, les deux frères ne voyaient dans la conduite de ce misérable que la satisfaction de sa haine, un acte de vengeance contre le nouveau commandant du James-Cook, contre le capitaine dont l’énergie avait comprimé la révolte et envoyé son chef à fond de cale. Relativement aux papiers d’Harry Gibson, au poignard qui leur appartenait, s’ils se trouvaient dans leur valise, c’est qu’ils y avaient été mis dans le but de perdre les deux frères par celui qui les avait volés !… Et comment eussent-ils pu supposer que l’un des assassins de Kerawara fût précisément le maître d’équipage ?…

Lui, non plus, M. Hawkins, bien qu’il cherchât de nouvelles pistes, ne parvenait pas à en suivre une avec quelque chance de succès. Dans sa pensée, d’ailleurs, l’attentat devait avoir pour auteurs les indigènes de l’île York, et qui sait si les autorités allemandes ne finiraient pas par les découvrir un jour ?…

Cependant le jour, l’heure approchaient où deux hommes, deux frères allaient subir le dernier supplice pour un crime qu’ils n’avaient pas commis, qu’ils n’avaient pu commettre !

M. Hawkins, de plus en plus obsédé de cette conviction que Karl et Pieter Kip étaient innocents, quoiqu’il lui fût impossible d’apporter une preuve de leur innocence, avait entrepris certaines démarches en leur faveur.

Le gouverneur de la Tasmanie était particulièrement connu de M. Hawkins. Celui-ci tenait Son Excellence Sir Edward Carrigan