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LES FRÈRES KIP

Et Jim raconta dans quelles circonstances il avait aperçu cette arme, comment elle avait attiré son attention, comment il l’avait maniée puis remise ensuite à l’endroit où elle était placée…

On ne l’a pas oublié, le poignard avait été déposé dans la cabine par Vin Mod, quelques instants avant que Flig Balt y eût envoyé le mousse, précisément pour être vu de Jim ; puis Vin Mod l’avait repris et ensuite caché dans son sac.

Cette déclaration du jeune garçon produisit un effet extraordinaire, et même une émotion à laquelle ni les juges, ni les jurés, ni l’assistance ne purent se soustraire. Devait-il rester maintenant un doute dans les esprits ?… Les frères Kip affirmaient que jamais le kriss n’avait été apporté à bord, et on l’y avait vu, et il venait d’être retrouvé dans leur valise à l’auberge du Great-Old-Man.

« Le kriss avait-il sa virole, lorsque tu l’as tenu entre tes mains ? demanda l’attorney au mousse.

— Oui, répondit Jim, et il n’y manquait rien ! »

Donc il était absolument établi que cette virole avait dû se détacher du poignard pendant la lutte des assassins avec le capitaine Gibson, puisqu’elle avait été ramassée quelque temps après dans la forêt de Kerawara.

À cette déposition de Jim il n’y avait rien à répondre, et les accusés ne répondirent pas.

Il n’est pas jusqu’à M. Hawkins qui ne se sentit alors très ébranlé. Et comment eût-il pu imaginer que les frères Kip étaient victimes d’un guet-apens préparé par Vin Mod… que ce misérable avait secrètement rapporté le poignard à bord… qu’il l’avait un instant laissé voir au mousse dans la cabine des accusés avant de l’employer à l’assassinat… que les meurtriers du capitaine Gibson, c’étaient son complice Flig Balt et lui, associés dans cette épouvantable machination pour perdre deux innocents !…