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LE VERDICT.

ne portait pas. Il n’était pas douteux que ce poignard leur appartînt, il n’était pas douteux que la blessure eût été faite par sa lame dentelée, il n’était pas douteux enfin que sa virole fût celle qui avait été ramassée sur le lieu du crime dans la forêt de Kerawara.

Aussi Pieter Kip se borna-t-il à faire cette dernière déclaration :

« Mon frère et moi, nous sommes victimes de circonstances vraiment inexplicables !… Nous, avoir frappé le capitaine Gibson, l’homme auquel nous devions notre sauvetage… notre salut !… Cette accusation est aussi odieuse qu’injuste, et nous n’y répondrons plus ! »

Cette phrase, prononcée d’une voix qui ne trahissait aucun trouble, parut produire une certaine émotion sur le public. Mais les convictions étaient déjà faites, et l’on ne voulut voir dans cette déclaration qu’un procédé de défense. Si les frères Kip se refusaient à répondre désormais aux questions qui leur seraient posées, n’était-ce pas impossibilité de le faire ?…

On entendit les autres témoins, et d’abord Nat Gibson. Celui-ci, incapable de se contenir, accabla Karl et Pieter Kip, qui jetaient sur lui un regard de pitié… Et s’ils avaient pris la parole, c’eût été pour dire :

« Nous comprenons votre douleur, pauvre jeune homme, et nous n’avons pas la force de vous en vouloir ! »

Lorsque M. Hawkins se présenta à la barre, son attitude fut celle d’un homme visiblement troublé par ses souvenirs. Pouvait-il admettre que les naufragés de la Wilhelmina, les hôtes du James-Cook, eussent reconnu par le plus abominable des crimes la générosité, les bontés du capitaine ?… Ils lui devaient la vie, et ils l’auraient assassiné pour le voler alors qu’ils les savaient, Harry Gibson et lui-même, disposés à leur venir en aide ?… Oui… sans