Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/321

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
DEVANT LE CONSEIL MARITIME.

d’un navire anglais… ne peuvent consentir à naviguer sous les ordres d’un étranger… Voilà ce qui nous a poussés à nous révolter contre Karl Kip…

— Contre votre capitaine, affirma le président, et malgré tout droit, car il occupait légalement ce poste, et vous lui deviez obéissance…

— Soit, répondit Flig Balt d’un ton plus décisif. J’admets que nous soyons coupables de ce chef… Mais voici ce que j’ai à dire : Si Karl Kip m’accuse de m’être révolté contre lui… s’il m’accuse, sans preuves d’ailleurs, d’avoir voulu rejeter le James-Cook hors de sa route pour m’en emparer… je l’accuse, moi, d’un crime dont il ne pourra se disculper, lui !… »

Devant cette déclaration si grave, bien qu’on ne sût encore sur quelle base elle reposait, Karl et Pieter Kip s’étaient brusquement levés de leur place comme pour se porter vers le banc d’où les regardait effrontément Flig Balt.

M. Hawkins et Nat Gibson les retinrent tous deux au moment où ils allaient donner libre cours à leur colère.

Pieter Kip reprit le premier son sang-froid. Il avait saisi la main de son frère, il ne l’abandonna plus, et, alors, d’une voix difficilement maîtrisée :

« De quoi nous accuse cet homme ?… dit-il.

— Du crime de meurtre, répondit Flig Balt.

— De meurtre !… s’écria Karl Kip. Nous !…

— Oui… vous… les assassins du capitaine Gibson ! »

Il serait impossible de peindre l’émotion de l’auditoire. Ce fut un sentiment d’horreur qui courut à travers la salle… mais d’horreur envers le maître d’équipage, qui avait osé formuler une pareille accusation contre les frères Kip.

Cependant, comme par un irrésistible instinct, Nat Gibson — cela se comprend dans l’état de son esprit — s’était vivement