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LES FRÈRES KIP

demi-ivresse, à peine comprirent-ils ce qu’on leur demandait.

Le président ordonna alors à Flig Balt de se lever. Les débats allaient s’achever, et, avant que le Conseil se retirât pour délibérer, le maître d’équipage pourrait une dernière fois prendre la parole :

« Vous savez de quel crime vous êtes accusé, Flig Balt… lui dit-il. Vous avez entendu les charges portées contre vous… Avez-vous à répondre ?…

— Oui ! » déclara le maître d’équipage, d’un ton bien différent de celui avec lequel il avait accentué le mot « rien » de ses dernières réponses.

Le plus profond silence régnait dans la salle. Le public sentait qu’un incident allait se produire — peut-être une révélation qui modifierait les conditions du procès.

Flig Balt, debout, tourné vers les juges, les yeux encore baissés, la bouche contractée légèrement, attendait que le président lui posât une question précise.

Et c’est ce qui fut fait en ces termes :

« Flig Balt, comment vous défendez-vous des faits relevés contre vous par l’accusation ?…

— En accusant à mon tour », répondit le maître d’équipage.

M. Hawkins, Nat Gibson, les frères Kip, se regardèrent, non point inquiets, mais surpris. Aucun d’eux ne pouvait imaginer où Flig Balt voulait en venir, ni contre qui il entendait porter une accusation.

Flig Balt dit alors :

« J’étais le capitaine du James-Cook, ayant reçu ma commission régulière de M. Hawkins… Je devais conduire le brick à Hobart-Town, et, quoi qu’on ait pu penser, je l’eusse conduit à Hobart-Town, lorsqu’un nouveau capitaine fut nommé à ma place… Et qui ?… un étranger… un Hollandais !… Or, des Anglais… à bord