Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/317

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
295
DEVANT LE CONSEIL MARITIME.

sur la limite de la mer de Corail pouvait aider à ce projet, en repoussant le navire au large. À mon avis, d’ailleurs, et comme marin, j’estimais qu’il convenait de faire tête à ces vents furieux de l’ouest et de tenir la cape. Ce ne fut pas l’opinion du nouveau capitaine. Il prit la fuite dans la direction de ces dangereux parages des îles Salomon, et sous une allure qui compromettait la sûreté du brick… Je vis le moment où il allait être dévoré par la mer, car les lames le couvraient en grand, et il ne gouvernait plus… J’eus le sentiment qu’il était perdu, si je n’intervenais pas… Je me précipitai vers la barre… L’équipage était comme affolé… Flig Balt s’épuisait en ordres incohérents. « Laissez-moi faire ! » criai-je. M. Hawkins m’avait compris, et, sans hésiter : « Faites ! » me dit-il. Je commandai… les matelots m’obéirent… je parvins à changer le brick cap pour cap, et, le lendemain, la tempête ayant diminué, nous n’avions plus qu’à chercher l’abri de la terre.

« C’est alors que M. Hawkins me confia le commandement du James-Cook, après l’avoir enlevé à Flig Balt. Celui-ci protesta : je le réduisis à l’obéissance. N’était-ce pas pour moi l’occasion de m’acquitter, envers M. Hawkins, par mon dévouement et mon zèle ?

« Dès que cela fut possible, le James-Cook reprit sa route vers le sud, et nous étions par le travers de Sydney, lorsque dans la soirée du 30 décembre la révolte éclata à bord… Avec les rebelles marchait l’indigne maître d’équipage… Il entraînait ses complices vers le rouf, afin de s’emparer des armes… Len Cannon se précipita sur moi pour me frapper… J’avais saisi un revolver, et je le menaçai de lui briser la tête… Mon attitude en imposa à ces hommes… De braves matelots s’étaient rangés de notre côté… Les autres retournèrent vers l’avant… Je fis saisir Flig Balt et Len Cannon, qui furent mis aux fers.