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LES FRÈRES KIP

à Port-Praslin. Son chargement achevé à Kerawara, le James-Cook reprit la mer et vint compléter sa cargaison.

« Ce fut là que les fonctions de capitaine furent régulièrement attribuées au maître d’équipage. À la date du 10 décembre, le brick appareilla et quitta l’archipel. Pendant les premiers jours, en traversant les parages des Louisiades, la navigation ne présenta rien de particulier. Le vent était favorable, il n’y aurait point à manœuvrer. Seulement, je remarquai que le James-Cook s’écartait peu à peu vers l’est au lieu de suivre la route directe vers le sud.

« Cela ne laissa pas de me paraître singulier. J’en fis l’observation à mon frère. Pieter m’engagea à prévenir M. Hawkins et Nat Gibson, car il partageait, lui aussi, ma défiance envers le capitaine… Je ne m’y décidai pas, cependant, tant les dénonciations me répugnent… Mais je ne cessai de contrôler avec soin la direction du brick autant que cela me fut possible… Assurément, Flig Balt s’en aperçut, et peut-être cela gêna-t-il dans une certaine mesure quelque projet… »

Et, comme Karl Kip semblait hésiter à compléter sa pensée, le président crut devoir lui dire :

« Vous avez observé, monsieur Kip, que Flig Balt paraissait vouloir modifier sa route… Dans quel but l’aurait-il fait ?…

— Je ne saurais préciser, répondit Karl Kip ; mais, pour moi, l’intention n’était pas douteuse… Flig Balt cherchait à rejeter le brick dans l’est, du côté de ces archipels mal famés où l’on a toujours lieu de craindre pour la sécurité d’un navire… Or, puisque Flig Balt a tenté de provoquer une révolte à bord, je me demande si son intention n’était pas déjà de s’emparer du James-Cook… »

Devant ce coup direct l’accusé parut indifférent, et il se borna à un léger haussement d’épaules.

« Quoi qu’il en soit, reprit Karl Kip, une tempête qui nous assail-