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LES FRÈRES KIP

— Pas tant de mots, Kyle !… répliqua Vin Mod qui commençait à s’impatienter. J’ai besoin d’être libre… d’être là quand on jugera Flig Balt… Une fois en prison, on en a pour vingt-quatre heures au moins, et, je te le répète, il importe que je sois là… »

Et, comme dernier argument, Vin Mod, fouillant la poche de sa vareuse, en tira une livre et la glissa dans la main du matelot.

« Comme acompte…, dit-il, le reste dès que tu seras relâché…

— Et… lorsque j’aurai été relâché… je te retrouverai…

— Ici… chaque soir.

— Convenu, répondit Kyle. Maintenant, un verre de gin pour me mettre en train… Je n’en ferai que mieux l’ivrogne ! »

Il leva son verre rempli de la brûlante et corrosive liqueur et le vida d’un trait.

« Il est temps, reprit alors Vin Mod, et écoute bien… Ce que j’ai à dire à Flig Balt, j’aurais pu l’écrire… un bout de papier que tu lui aurais remis de ma part… Mais, si on le trouvait sur toi, l’affaire serait manquée… D’ailleurs, quelques mots suffiront et tu les retiendras… Dès que les policemen t’auront fourré en prison, tâche de rencontrer Flig Balt… Si tu n’y parvenais pas ce soir, que ce soit demain avant qu’on vienne le chercher pour le conduire au Conseil…

— C’est entendu, Mod, répondit Kyle, et que lui dirai-je de ta part ?…

— Tu lui diras… que l’affaire est faite… et qu’il peut accuser hardiment.

— Qui ?…

— Il le sait !…

— Bon… et pas autre chose ?…

— Pas autre chose…

— Bien, Mod, répondit Kyle, et me voici, cette fois, ivre comme le plus ivrogne des sujets de la Reine ! »