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DERNIÈRE MANŒUVRE.

Sept heures et demie sonnaient lorsqu’il pénétra dans la salle commune, où il rejoignit ses compagnons en train de boire…

Sexton et Bryce avaient déjà vidé un certain nombre de verres, wisky et gin. Ivres, non pas d’une ivresse bruyante et batailleuse, mais d’une ivresse morne et abêtie, ils eussent été incapables de comprendre ce que leur aurait dit Vin Mod, si celui-ci avait eu besoin d’eux.

Seul Kyle, prévenu sans doute, et avec lequel il s’entretenait plus volontiers d’habitude, avait à peine touché aux flacons déposés sur la table.

Aussi, lorsque Vin Mod parut dans la salle, il se leva pour aller à lui.

Vin Mod lui fit signe de ne pas bouger, et tous deux s’assirent l’un près de l’autre.

Il y avait là une vingtaine de buveurs, — presque tous matelots en bordée, attablés sous les lampes, au milieu d’une étouffante atmosphère.

À chaque moment, des entrées et des sorties de clients avinés. Il se faisait assez de tapage pour qu’il fût facile de se parler à l’oreille sans courir le risque d’être entendu. D’ailleurs, la table de Kyle occupait le plus sombre coin de la salle.

Voici ce que Vin Mod dit à son camarade, en se rapprochant de lui :

« Il y a déjà une heure que vous êtes ici ?…

— Oui… en t’attendant, comme il était convenu.

— Et les autres n’ont pas pu résister à l’envie de boire ?…

— Non… songe donc… une heure !…

— Et toi ?…

— Moi… j’ai seulement rempli mon verre, et il est encore plein…

— Tu ne t’en repentiras pas, Kyle, car j’ai besoin que tu aies toute ta tête…