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DERNIÈRE MANŒUVRE.

Qu’espérait-il donc en passant à plusieurs reprises devant la porte de la prison ?… Cherchait-il à s’y introduire pour rencontrer Flig Balt ?… Non ! il ne pouvait avoir cette idée, et, assurément, il lui serait impossible de franchir cette porte…

Était-il à supposer, d’autre part, qu’il parviendrait à apercevoir le maître d’équipage par quelque haute fenêtre du bâtiment dont le dernier étage dominait les murs d’enceinte ?… C’eût été improbable, à moins que, de son côté, Flig Balt, sachant que le procès devait venir le lendemain, n’eût cette pensée que Vin Mod tenterait de communiquer avec lui, n’importe par quel moyen… Et cela même n’était-il pas convenu d’avance, en raison d’un plan arrêté entre eux ?…

Mais, dans ces conditions, l’un dehors, l’autre dedans, tous deux en eussent été réduits à de simples signes pour correspondre, un mouvement de la tête, un geste de la main, et parviendraient-ils à se comprendre ?…

Quoi qu’il en soit, Vin Mod n’aperçut pas Flig Balt, et Flig Balt n’aperçut pas Vin Mod. Celui-ci, lorsque le soir arriva, après un dernier regard jeté au sombre édifice, revint lentement vers son auberge.

Et alors, toujours plongé dans ses réflexions, il se disait :

« Oui… c’est le seul moyen de le prévenir, et s’il échoue… Eh bien, après tout, je suis appelé comme témoin… je parlerai… et ce que Flig Balt ne dira peut-être pas… je le dirai, moi… oui !… je le dirai… et ils y passeront, les frères Kip !… »

Ce ne fut pas au tap des Fresh-Fishs que se rendit ce soir-là Vin Mod, mais à l’auberge du Great-Old-Man.

Il était sept heures. Une pluie fine et pénétrante tombait depuis midi. Le quartier se noyait dans une obscurité profonde que perçait à peine la lumière du gaz.

Vin Mod, sans avoir été vu, prit l’allée qui conduisait à sa chambre,