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LES FRÈRES KIP

Skydnam, que nous recevrons alors, et avec quel plaisir !… Oui !… le digne Fork a droit à sa retraite dès l’arrivée en Europe… Vous le remplacerez, Karl Kip, et, entre vos mains, le Skydnam sera ce qu’a été… ce qu’était le James-Cook ! »

Par malheur, ce nom évoquait toujours les plus tristes souvenirs. M. Hawkins, Nat Gibson, les deux frères, se revoyaient en Nouvelle-Irlande, à Port-Praslin, à Kerawara, au milieu de cette forêt où est tombé l’infortuné Gibson, devant ce modeste cimetière où reposait le capitaine.

Et, lorsque ce nom était prononcé, Nat pâlissait soudain. Tout son sang lui refluait au cœur, sa voix tremblait de colère, et il s’écriait :

« Mon père… mon pauvre père… tu ne seras donc pas vengé ! »

M. Hawkins essayait de calmer le jeune homme… Il fallait attendre les nouvelles qui arriveraient de l’archipel Bismarck par le premier courrier… M. Hamburg, M. Zieger auraient peut-être découvert les coupables… Il est vrai, les communications ne sont pas fréquentes entre la Tasmanie et la Nouvelle-Irlande… Qui sait si des mois ne s’écouleraient pas avant que l’on connût les résultats de l’enquête ?…

On était au 19 janvier. Dans quarante-huit heures, le procès des révoltés du James-Cook viendrait devant le Conseil, et, sans doute, à moins d’incidents imprévus, les débats seraient terminés le jour même…

Trois jours après, le Skydnam prendrait la mer, et les frères Kip auraient quitté Hobart-Town à destination de Hambourg.

Le lendemain, pendant l’après-midi, on aurait pu voir Vin Mod rôder autour de la prison du port. Assez agité, bien qu’il fût d’ordinaire très maître de lui, il marchait d’un pas rapide, évitant les regards, laissant échapper des lambeaux de phrases entrecoupés de gestes inquiets et qu’il eût été sans doute très intéressant d’entendre.