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LES FRÈRES KIP

Plusieurs marins, qui se tenaient sur la jetée, échangeaient les propos suivants :

« Il est arrivé un malheur !…

— Quelque matelot qui aura succombé pendant la traversée…

— Sûr qu’il y a eu un décès en mer !…

— Pourvu que ce ne soit pas le capitaine !

— Le James-Cook avait des passagers ?…

— Oui… d’après ce qu’on a dit, il a dû prendre à Wellington M. Hawkins et Nat Gibson.

— Est-ce qu’on mettrait le pavillon en berne pour un homme de l’équipage ?…

— Tout de même ! »

Mme  Hawkins et Mme  Gibson n’étaient pas assez au courant des usages maritimes pour avoir observé ce qui frappait les gens du port. On se gardait, d’ailleurs, d’appeler leur attention à ce sujet. C’eût été les inquiéter sans raison peut-être.

Mais, lorsque le brick fut à quai, lorsque Mme  Gibson ne reconnut pas son mari dans le capitaine qui commandait la manœuvre, lorsqu’elle ne vit pas son fils s’élancer pour la serrer dans ses bras, lorsqu’elle l’aperçut, assis à l’arrière, les traits tirés, osant à peine se tourner vers elle, et, près de lui, M. Hawkins, dans l’attitude de la douleur, ce cri lui échappa :

« Harry !… Où est Harry ? »

Un instant après, Nat Gibson était à son côté et la pressait sur son cœur, l’étouffant de baisers au milieu de ses sanglots. Et alors elle comprit l’effroyable malheur qui la frappait, elle murmura quelques mots, elle fût tombée si M. Hawkins ne l’eût retenue !

« Mort !… dit-il.

— Mort ?… répéta Mme  Hawkins épouvantée.

— Mort… assassiné ! »