Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
INCIDENTS.

« J’ai la responsabilité d’un capitaine, M. Hawkins le comprendra, et je n’ai pas d’ordres à recevoir de M. Kip…

— Ce ne sont point des ordres, ce sont des conseils que je vous donne…, répondit Karl Kip, que cette obstination ne laissa pas de surprendre.

— Des ordres dont je n’ai pas besoin…, répliqua Flig Balt, très irrité de l’opposition qui lui était faite.

— Messieurs, intervint M. Ilawkins, je désire que cette discussion finisse… Je remercie M. Kip d’avoir apporté son avis… Mais, puisque le capitaine Flig ne juge pas à propos de le suivre, qu’il agisse à son gré… Je lui ai confié le commandement du navire, et c’est son droit de revendiquer la responsabilité de ses actes. »

Karl Kip s’inclina et vint rejoindre son frère, auquel il dit :

« Ce Flig me paraît incapable, et je crains qu’il ne mette le navire en perdition !… Après tout, il est le capitaine ! »

Dans tous les cas, il n’y avait plus un instant à hésiter. La force du vent s’accroissait de minute en minute et les effrayantes rafales qui tombaient à bord risquaient d’emporter la voilure.

Par ordre de Flig Balt, la barre dessus, le brick commença son abattée, non sans éprouver de rudes secousses. Les mâts jouaient, les haubans et galhaubans menaçaient de se rompre. À deux reprises on put craindre de manquer l’évolution. Elle s’acheva enfin, et le James-Cook, sous son tour ment in à l’arrière, son petit hunier au bas ris, prit la fuite, cap au nord-est.

Pendant une demi-heure environ, la navigation se poursuivit dans des conditions à peu prés normales. La seule difficulté, c’était d’empêcher le brick d’embarder sur tribord et sur bâbord. Il gouvernait à peine au milieu de ces lames qui couraient aussi vite que lui. À chaque instant il risquait d’être devancé, de venir en travers. Sa situation eût été des plus critiques, car il aurait été exposé aux dangereux coups de mer par le flanc.