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À TRAVERS LA LOUISIADE.

Puis la conversation tomba peu à peu. Les paupières s’alourdirent, et, sans doute, le sommeil allait vaincre les plus résistants, lorsqu’une voix se fit entendre, — la voix de Jim, qui se promenait le long de la coursive.

« Pirogues… pirogues ! » criait le mousse.

Tous furent immédiatement sur pied, capitaine, passagers, équipage, et se portèrent du côté de bâbord.

C’était dans cette direction, en effet, que Jim avait aperçu ou cru apercevoir des embarcations en marche vers le brick.

Au milieu de cette obscure nuit, peut-être s’était-il trompé ?…

On le pensa au premier moment. Un trouble des eaux, tel qu’en produit une pagaie, eut bientôt montré que le mousse n’avait point fait erreur, et Nat Gibson de s’écrier à son tour :

« Là… là… des embarcations ! »

Un des matelots projeta alors la lumière d’un fanal en cette direction, ce qui permit de distinguer plusieurs pirogues à une trentaine de pieds du navire. Sans la vigilance de Jim, le brick eût été surpris par une brusque attaque, et on n’aurait pas eu le temps de se mettre sur la défensive.

« Aux fusils… aux revolvers ! » ordonna aussitôt M. Gibson.

Les matelots accoururent vers le rouf, les armes furent distribuées. Chacun reçut un fusil ou un revolver avec cartouches de rechange, et alla se poster le long du bastingage de bâbord, de manière à repousser ceux des assaillants qui tenteraient de s’élancer sur le pont.

Au large, d’ailleurs, à l’opposé de l’île d’Entrecasteaux, on n’apercevait rien de suspect, on n’entendait aucun bruit de pagaies. Pas la moindre agitation à la surface de la mer, et il n’était pas probable que d’autres embarcations vinssent de l’est.

Les indigènes, cependant, voyant la lumière du fanal braquée sur eux, comprirent qu’ils étaient découverts. Plus de surprise