Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
123
LA MER DE CORAIL.

s’il fallait en arriver là, s’effectuerait sans doute dans de meilleures conditions qu’ils ne l’espéraient… Mais les inquiétudes de Karl et Pieter Kip n’étaient que trop justifiées par le retard que leur aurait imposé le naufrage de la Wilhelmina.

On n’a point oublié quelle impression Karl et Pieter avaient produite dans l’esprit de Vin Mod. Qu’il n’eût point à compter sur leur connivence pour servir ses projets, c’était l’évidence même. Les naufragés notaient point des aventuriers sans remords ni scrupules. Supérieurs à la classe où se recrutent les matelots, leur présence à bord rendait irréalisable toute tentative de révolte.

Aussi se figure-t-on aisément quelles réflexions échangèrent Flig Balt et Vin Mod, dés leur premier entretien, auquel prit part Len Cannon.

Relativement aux frères Kip, l’opinion du maître d’équipage fut que, le cas échéant, ils se rangeraient du côté de l’armateur et du capitaine.

Toutefois, Len Cannon, jugeant les autres d’après lui-même, ne parut pas être de cet avis ;

« Sait-on au juste ce que sont ces Hollandais ?… déclara-t-il. A-t-on vu leurs papiers ?… Non, n’est-ce pas, et pourquoi les croire sur parole ?… Et puisqu’ils ont perdu tout ce qu’ils possédaient dans le naufrage, ils auraient tout à gagner !… J’en ai connu plus d’un qui payait de mine et ne faisait point de manières lorsqu’il s’agissait de quelque bon coup…

— Est-ce toi qui les tâteras ?… demanda Flig Balt en haussant les épaules.

— Moi… non… bien sûr ! répondit Len Cannon, Les matelots n’ont jamais l’occasion de se mettre en rapport avec les passagers… puisque ce sont des passagers, ces malvenus-là !…

— Len a raison, affirma Vin Mod. ce n’est ni lui ni moi qui pourrions marcher sur ce terrain…