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LES DEUX FRÈRES.

ment calme, ainsi qu’il en est presque toujours dans ces conditions atmosphériques.

La Wilhelmina avait ses feux réglementaires, vert à tribord, rouge à bâbord. Par malheur, ils n’auraient point été vus à travers cet épais brouillard, même à la distance d’une demi-encablure.

Soudain, sans que les mugissements d’une sirène se fissent entendre, avant qu’un feu de position eût été relevé, le trois-mâts fut abordé par le lof de bâbord à la hauteur du rouf de l’équipage. Un choc terrible provoqua la chute immédiate du grand mât et du mât de misaine.

Au moment où Karl et Pieter Kip s’élançaient hors de la dunette, ils n’entrevirent qu’une énorme masse, vomissant fumée et vapeur, qui passait comme une bombe, après avoir coupe en deux la Wilhelmina.

Pendant une demi-seconde, un feu blanc avait apparu au grand étai de ce bâtiment. Le navire abordeur était un steamer, mais c’était tout ce qu’on en devait savoir.

La Wilhelmina, l’avant d’un côté, l'arrière de l’autre, coula aussitôt. Les deux passagers n’eurent pas même le temps de rejoindre l’équipage. À peine aperçurent-ils quelques matelots accrochés aux agrès. Utiliser les embarcations, impossible, puisqu’elles étaient déjà submergées. Quant au second et au capitaine, ils n’avaient sans doute pu quitter leur cabine.

Les deux frères, demi-vêtus, étaient déjà dans l’eau jusqu’à mi-corps. Ils sentaient s’engloutir ce qui restait de la Wilhelmina, et allaient être entraînés dans le tourbillon qui se creusait autour du navire.

« Ne nous séparons pas !… cria Pieter.

— Compte sur moi ! » répondit Karl.

Tous deux étaient bons nageurs. Mais y avait-il une terre à proximité ?… Quelle position occupait le trois-mâts au moment de