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LES FRÈRES KIP

et on les compte par milliers à travers les épaisses forêts et les verdoyantes plaines de l’île. Tout ce littoral était absolument désert. Pas une cabane sous les arbres, pas une fumée se dégageant des frondaisons, pas une pirogue mouillée au revers des pointes ou tirée sur le sable.

L’animation de la vie ne manquait pas cependant à la région comprise entre la crête des bancs et la terre. Mais elle était uniquement due à la présence des oiseaux aquatiques, qui emplissaient l’air de leurs cris discordants, corbeaux à duvet blanchâtre, coucals à plumage vert, martins-pêcheurs dont le corps est couleur d’aigue-marine, stournes aux yeux de rubis, hirondelles de mer, échenilleurs, gobe-mouches, sans parler des frégates qui passaient à tire-d’aile.

Si Nat Gibson eut apporté son fusil, il aurait fait quelques beaux coups, en pure perte, il est vrai, car ce gibier n’est point comestible.

Mieux valait, en prévision du prochain repas, demander à la mer ce que l’air ne pouvait donner, et, en somme, elle se montra généreuse.

Après une heure au pied des bancs, le canot était en mesure de rapporter de quoi nourrir l’équipage pendant deux jours. Le poisson abonde au milieu de ces eaux claires, dont les fonds se hérissent de plantes marines, sous lesquelles fourmillent les crustacés, les mollusques, les coquillages, langoustes, crabes, palémons, crevettes, tridaines, scarabes, hélives, ovules, patelles, et il faut qu’il soit inépuisable, puisque les amphibies, phoques et autres, en font une énorme consommation.

Parmi les poissons que prirent les lignes et qui présentent une extraordinaire variété d’espèces, rivalisant par l’éclat de leurs couleurs, Nat Gibson et les deux matelots purent ramener plusieurs couples de blennies. Le blennie est un animal bizarre, yeux ouverts au sommet de la tête, mâchoires jugulées, couleur gris de