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EN VUE DE L’ÎLE NORFOLK.

M. Gibson et ses passagers n’avaient donc qu’à jouir de cette soirée magnifique sous un ciel pur de toute vapeur. Après le dîner, M. Hawkins, le capitaine et Nat Gibson vinrent s’asseoir à l’arrière.

« Nous voici en calme blanc, dit M. Gibson, et, par malheur, je ne découvre aucun symptôme qui puisse indiquer le retour de la brise.

— Cela ne saurait durer, à mon avis, fit observer M. Hawkins.

— Et pourquoi ?… demanda le capitaine.

— Parce que nous ne sommes pas en pleine saison chaude, Gibson, et le Pacifique n’a point la réputation de justifier le nom qui lui a été donné un peu à la légère…

— J’en conviens, mon ami. Toutefois, même à cette époque, des navires restent encalminés plusieurs jours, et cela arriverait au James-Cook que je n’en serais pas autrement surpris.

— Très heureusement, répliqua l’armateur, nous ne sommes plus au temps où l’île Norfolk renfermait une population de bandits… Alors il n’eût pas été prudent de stationner dans son voisinage.

— En effet, et il y aurait eu lieu de veiller avec grand soin.

— Dans mon enfance, reprit M. Hawkins, j’ai entendu parler de ces forcenés qu’aucun châtiment, aucune discipline des maisons de correction n’avaient pu réduire, et dont le gouvernement s’était avisé de transporter toute une colonie à l’île Norfolk…

— Ils devaient y être bien gardés, d’une part, dit Nat Gibson, et, de l’autre, comment s’enfuir d’une île dont les navires ne sauraient s’approcher ?…

— Bien gardés… oui, ils l’étaient, mon cher enfant, répondit M. Hawkins. Fuite difficile, oui encore !… Mais, pour des criminels qui ne reculent devant rien quand il s’agît de recouvrer leur liberté, tout est possible, même ce qui ne parait pas l’être.

— Y a-t-il donc eu de fréquentes évasions, monsieur Hawkins ?…