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« chiffle. » Il faut avoir soin, d’ailleurs, de ne pas abuser des boissons alcooliques, peu favorables dans une région où le système nerveux de l’homme est particulièrement exalté. Quant à la literie, elle est contenue tout entière dans la selle indigène nommée « recado. » Cette selle est faite de « pelions, » peaux de moutons tannées d’un côté et garnies de laine de l’autre, que maintiennent de larges sangles luxueusement brodées. Un voyageur roulé dans ces chaudes couvertures brave impunément les nuits humides et dort du meilleur sommeil.

Glenarvan, en homme qui sait voyager et se conformer aux usages des divers pays, avait adopté le costume chilien pour lui et les siens. Paganel et Robert, deux enfants, — un grand et un petit, — ne se sentirent pas de


joie, quand ils introduisirent leur tête à travers le puncho national, vaste tartan percé d’un trou à son centre, et leurs jambes dans des bottes de cuir faites de la patte de derrière d’un jeune cheval. Il fallait voir leur mule richement harnachée, ayant à la bouche le mors arabe, la longue bride en cuir tressé servant de fouet, la têtière enjolivée d’ornements de métal, et les « alforjas, » doubles sacs en toile de couleur éclatante qui contenaient les vivres du jour. Paganel, toujours distrait, faillit recevoir trois ou quatre ruades de son excellente monture au moment de l’enfourcher. Une fois en selle, son inséparable longue-vue en bandoulière, les pieds cramponnés aux étriers, il se confia à la sagacité de sa bête et n’eut pas lieu de s’en repentir. Quant au jeune Robert, il montra dès ses débuts de remarquables dispositions à devenir un excellent cavalier.