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s’élargit ; le yacht put prendre du champ pour tourner la côte accore des îles Narborough, et se rapprocha des rivages du sud. Enfin, trente-six heures après avoir embouqué le détroit, il vit surgir le rocher du cap Pilares sur l’extrême pointe de la Terre de la Désolation. Une mer immense, libre, étincelante, s’étendait devant son étrave, et Jacques Paganel, la saluant d’un geste enthousiaste, se sentit ému comme le fut Fernand de Magellan lui-même, au moment où la Trinitad[1] s’inclina sous les brises de l’Océan Pacifique.


CHAPITRE X


LE TRENTE-SEPTIÈME PARALLÈLE.


Huit jours après avoir doublé le cap Pilares, le Duncan donnait à pleine vapeur dans la baie de Talcahuano, magnifique estuaire long de douze milles et large de neuf. Le temps était admirable. Le ciel de ce pays n’a pas un nuage de novembre à mars, et le vent du sud règne invariablement le long des côtes abritées par la chaîne des Andes. John Mangles, suivant les ordres d’Edward Glenarvan, avait serré de près l’archipel des Chiloé et les innombrables débris de tout ce continent américain. Quelque épave, un espars brisé, un bout de bois travaillé de la main des hommes, pouvaient mettre le Duncan sur les traces du naufrage ; mais on ne vit rien, et le yacht, continuant sa route, mouilla dans le port de Talcahuano, quarante-deux jours après avoir quitté les eaux brumeuses de la Clyde.

Aussitôt Glenarvan fit mettre son canot à la mer, et, suivi de Paganel, il débarqua au pied de l’estacade. Le savant géographe, profitant de la circonstance, voulut se servir de la langue espagnole qu’il avait si consciencieusement étudiée ; mais, à son grand étonnement, il ne put se faire comprendre des indigènes.

« C’est l’accent qui me manque, dit-il.

— Allons à la Douane, » répondit Glenarvan.

Là, on lui apprit, au moyen de quelques mots d’anglais accompagnés de gestes expressifs, que le consul britannique résidait à Concepcion. C’était une course d’une heure. Glenarvan trouva aisément deux chevaux d’allure rapide, et peu de temps après Paganel et lui franchissaient les murs de

  1. Navire que montait Magellan.