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du capitaine grant.

J’approchais du yacht, et trente brasses m’en séparaient à peine, quand il vira de bord !

« Alors je poussai ces cris désespérés que mes deux enfants furent seuls à entendre, et qui n’avaient point été une illusion.

« Puis je revins au rivage, épuisé, vaincu par l’émotion et la fatigue. Mes deux matelots me recueillirent à demi-mort. Ce fut une nuit horrible que cette dernière nuit que nous passâmes dans l’île, et nous nous croyions pour jamais abandonnés, quand, le jour venu, j’aperçus le yacht qui courait des bordées sous petite vapeur. Votre canot fut mis à la mer… Nous étions sauvés, et, divine bonté du ciel ! mes enfants, mes chers enfants étaient là, qui me tendaient les bras ! »

Le récit d’Harry Grant s’acheva au milieu des baisers et des caresses de Mary et de Robert. Et ce fut alors seulement que le capitaine apprit qu’il devait son salut à ce document passablement hiéroglyphique, que, huit jours après son naufrage, il avait enfermé dans une bouteille et confié aux caprices des flots.

Mais que pensait Jacques Paganel pendant le récit du capitaine Grant ? Le digne géographe retournait une millième fois dans son cerveau les mots du document ! Il repassait ces trois interprétations successives, fausses toutes trois ! Comment cette île Maria-Thérésa était-elle donc indiquée sur ces papiers rongés par la mer ?

Paganel n’y tint plus, et, saisissant la main d’Harry Grant :

« Capitaine, s’écria-t-il, me direz-vous enfin ce que contenait votre indéchiffrable document ? »

À cette demande du géographe, la curiosité fut générale, car le mot de l’énigme, cherché depuis neuf mois, allait être prononcé !

« Eh bien, capitaine, demanda Paganel, vous souvenez-vous des termes précis du document ?

— Exactement, répondit Harry Grant, et pas un jour ne s’est écoulé sans que ma mémoire ne m’ait rappelé ces mots auxquels se rattachait notre seul espoir.

— Et quels sont-ils, capitaine ? demanda Glenarvan. Parlez, car notre amour-propre est piqué au vif.

— Je suis prêt à vous satisfaire, répondit Harry Grant, mais vous savez que, pour multiplier les chances de salut, j’avais renfermé dans la bouteille trois documents écrits en trois langues. Lequel désirez-vous connaître ?

— Ils ne sont donc pas identiques ? s’écria Paganel.

— Si, à un nom près.

— Eh bien, citez le document français, reprit Glenarvan ; c’est celui que les flots ont le plus respecté, et il a principalement servi de base à nos interprétations.