Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/618

Cette page a été validée par deux contributeurs.
610
les enfants

elle être celle de leur père ? Non, mille fois non, hélas ! Et chacun, pensant à l’horrible déception qui les attendait, tremblait que cette nouvelle épreuve ne dépassât leurs forces ! Mais comment les arrêter ? Lord Glenarvan n’en eut pas le courage.

« Au canot ! » s’écria-t-il.

En une minute, l’embarcation fut mise à la mer. Les deux enfants du capitaine, Glenarvan, John Mangles, Paganel, s’y précipitèrent, et elle déborda rapidement sous l’impulsion de six matelots qui nageaient avec rage.

À dix toises du rivage, Mary poussa un cri déchirant.

« Mon père ! »

Un homme se tenait sur la côte, entre deux autres hommes. Sa taille grande et forte, sa physionomie à la fois douce et hardie, offrait un mélange expressif des traits de Mary et de Robert Grant. C’était bien l’homme qu’avaient si souvent dépeint les deux enfants. Leur cœur ne les avait pas trompés. C’était leur père, c’était le capitaine Grant !

Le capitaine entendit le cri de Mary, ouvrit les bras, et tomba sur le sable, comme foudroyé.


CHAPITRE XXI


L'ÎLE TABOR.


On ne meurt pas de joie, car le père et les enfants revinrent à la vie avant même qu’on les eût recueillis sur le yacht. Comment peindre cette scène ? Les mots n’y suffiraient pas. Tout l’équipage pleurait en voyant ces trois êtres confondus dans une muette étreinte.

Harry Grant, arrivé sur le pont, fléchit le genou. Le pieux Écossais voulut, en touchant ce qui était pour lui le sol de la patrie, remercier, avant tous, Dieu de sa délivrance.

Puis, se tournant vers lady Helena, vers lord Glenarvan et ses compagnons, il leur rendit grâces d’une voix brisée par l’émotion. En quelques mots, ses enfants, dans la courte traversée de l’îlot au yacht venaient de lui apprendre toute l’histoire du Duncan.

Quelle immense dette il avait contractée envers cette noble femme et ses compagnons ! Depuis lord Glenarvan jusqu’au dernier des matelots, tous n’avaient-ils pas lutté et souffert pour lui ? Harry Grant exprima les senti-