Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/594

Cette page a été validée par deux contributeurs.
586
les enfants

peler Ayrton ou Ben Joyce ? Êtes-vous, oui ou non, le quartier-maître du Britannia ? »

Ayrton resta impassible, observant la côte, sourd à toute question.

Glenarvan, dont l’œil s’animait, continua d’interroger le quartier-maître.

« Voulez-vous m’apprendre comment vous avez quitté le Britannia, pourquoi vous étiez en Australie ? »

Même silence, même impassibilité.

« Écoutez-moi bien, Ayrton, reprit Glenarvan. Vous avez intérêt à parler. Il peut vous être tenu compte d’une franchise qui est votre dernière ressource. Pour la dernière fois, voulez-vous répondre à mes questions ? »

Ayrton tourna la tête vers Glenarvan et le regarda dans les yeux :

« Mylord, dit-il, je n’ai pas à répondre. C’est à la justice et non à moi de prouver contre moi-même.

— Les preuves seront faciles ! répondit Glenarvan.

— Faciles ! mylord ? reprit Ayrton d’un ton railleur. Votre Honneur me paraît s’avancer beaucoup. Moi, j’affirme que le meilleur juge de Temple-Bar serait embarrassé de ma personne ! Qui dira pourquoi je suis venu en Australie, puisque le capitaine Grant n’est plus là pour l’apprendre ? Qui prouvera que je suis ce Ben Joyce signalé par la police, puisque la police ne m’a jamais tenu entre ses mains et que mes compagnons sont en liberté ? Qui relèvera à mon détriment, sauf vous, non pas un crime, mais une action blâmable ? Qui peut affirmer que j’ai voulu m’emparer de ce navire et le livrer aux convicts ? Personne, entendez-moi, personne ! Vous avez des soupçons, bien, mais il faut des certitudes pour condamner un homme, et les certitudes vous manquent. Jusqu’à preuve du contraire, je suis Ayrton, quartier-maître du Britannia. »

Ayrton s’était animé en parlant, et il revint bientôt à son indifférence première. Il s’imaginait sans doute que sa déclaration terminerait l’interrogatoire ; mais Glenarvan reprit la parole et dit :

« Ayrton, je ne suis pas un juge chargé d’instruire contre vous. Ce n’est point mon affaire. Il importe que nos situations respectives soient nettement définies. Je ne vous demande rien qui puisse vous compromettre. Cela regarde la justice. Mais vous savez quelles recherches je poursuis, et d’un mot, vous pouvez me remettre sur les traces que j’ai perdues. Voulez-vous parler ? »

Ayrton remua la tête en homme décidé à se taire.

« Voulez-vous me dire où est le capitaine Grant ? demanda Glenarvan.

— Non, mylord, répondit Ayrton.