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les enfants

de ces escaliers gigantesques, elles alimentaient des lacs entiers avec leurs cascades bouillonnantes.

Plus loin, aux sources chaudes et aux geysers tumultueux succédèrent les solfatares. Le terrain apparut tout boutonné de grosses pustules. C’étaient autant de cratères à demi éteints et lézardés de nombreuses fissures d’où se dégageaient divers gaz. L’atmosphère était saturée de l’odeur piquante et désagréable des acides sulfureux. Le soufre, formant des croûtes et des concrétions cristallines, tapissait le sol. Là s’amassaient depuis de longs siècles d’incalculables et stériles richesses, et c’est en ce district encore peu connu de la Nouvelle-Zélande que l’industrie viendra s’approvisionner, si les soufrières de la Sicile s’épuisent un jour.

On comprend quelles fatigues subirent les voyageurs à traverser ces régions hérissées d’obstacles. Les campements y étaient difficiles, et la carabine des chasseurs n’y rencontrait pas un oiseau digne d’être plumé par les mains de Mr. Olbinett. Aussi fallait-il le plus souvent se contenter de fougères et de patates douces, maigre repas qui ne refaisait guère les forces épuisées de la petite troupe. Chacun avait donc hâte d’en finir avec ces terrains arides et déserts.

Cependant, il ne fallut pas moins de quatre jours pour tourner cette impraticable contrée. Le 23 février seulement, à cinquante milles du Maunganamu, Glenarvan put camper au pied d’un mont anonyme, indiqué sur la carte de Paganel. Les plaines d’arbrisseaux s’étendaient sous sa vue, et les grandes forêts réapparaissaient à l’horizon.

C’était de bon augure, à la condition toutefois que l’habitabilité de ces régions n’y ramenât pas trop d’habitants. Jusqu’ici, les voyageurs n’avaient pas rencontré l’ombre d’un indigène.

Ce jour-là, Mac Nabbs et Robert tuèrent trois kiwis, qui figurèrent avec honneur sur la table du campement, mais pas longtemps, pour tout dire, car en quelques minutes ils furent dévorés du bec aux pattes.

Puis, au dessert, entre les patates douces et les pommes de terre, Paganel fit une motion qui fut adoptée avec enthousiasme.

Il proposa de donner le nom de Glenarvan à cette montagne innommée qui se perdait à trois mille pieds dans les nuages, et il pointa soigneusement sur sa carte le nom du lord écossais.

Insister sur les incidents assez monotones et peu intéressants qui marquèrent le reste du voyage, est inutile. Deux ou trois faits de quelque importance seulement signalèrent cette traversée des lacs à l’océan Pacifique.

On marchait pendant toute la journée à travers les forêts et les plaines.