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du capitaine grant.

Puis tous, avides de connaître les nouveaux projets de Paganel, se réunirent autour de lui, et l’interrogèrent des yeux.

Paganel répondit aussitôt à l’inquiète curiosité de ses compagnons.

« Mes amis, dit-il, mon projet a cela d’excellent que, s’il ne produit pas tout l’effet que j’en attends, s’il échoue même, notre situation ne sera pas empirée. Mais il doit réussir, il réussira.

— Et ce projet ? demanda Mac Nabbs.

— Le voici, répondit Paganel. La superstition des indigènes a fait de cette montagne un lieu d’asile, il faut que la superstition nous aide à en sortir. Si je parviens à persuader à Kai-Koumou que nous avons été victimes de notre profanation, que le courroux céleste nous a frappés, en un mot, que nous sommes morts et d’une mort terrible, croyez-vous qu’il abandonne ce plateau du Maunganamu pour retourner à son village ?

— Cela n’est pas douteux, dit Glenarvan.

— Et de quelle mort horrible nous menacez-vous ? demanda lady Helena.

— De la mort des sacriléges, mes amis, répondit Paganel. Les flammes vengeresses sont sous nos pieds. Ouvrons-leur passage !

— Quoi ! vous voulez faire un volcan ! s’écria John Mangles.

— Oui, un volcan factice, un volcan improvisé, dont nous dirigerons les fureurs ! Il y a là toute une provision de vapeurs et de feux souterrains qui ne demandent qu’à sortir ! Organisons une éruption artificielle à notre profit !

— L’idée est bonne, dit le major. Bien imaginé, Paganel !

— Vous comprenez, reprit le géographe, que nous feindrons d’être dévorés par les flammes du Pluton zélandais, et que nous disparaîtrons spirituellement dans le tombeau de Kara-Tété...

— Où nous resterons trois jours, quatre jours, cinq jours, s’il le faut, c’est-à-dire jusqu’au moment où les sauvages, convaincus de notre mort, abandonneront la partie.

— Mais s’ils ont l’idée de constater notre châtiment, dit miss Grant, s’ils gravissent la montagne ?

— Non, ma chère Mary, répondit Paganel, ils ne le feront pas. La montagne est tabouée, et quand elle aura elle-même dévoré ses profanateurs, son tabou sera plus rigoureux encore !

— Ce projet est véritablement bien conçu, dit Glenarvan. Il n’a qu’une chance contre lui, et cette chance, c’est que les sauvages s’obstinent à rester si longtemps encore au pied du Maunganamu, que les vivres viennent à nous manquer. Mais cela est peu probable, surtout si nous jouons habilement notre jeu.

— Et quand tenterons-nous cette dernière chance ? demanda lady Helena.