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les enfants

résolurent d’opérer une reconnaissance, avant d’entraîner leurs compagnons sur cette périlleuse route. Ils descendirent sans bruit, pendant dix minutes environ, et s’engagèrent sur l’étroite arête qui traversait la ligne indigène, à cinquante pieds au-dessus du campement.

Tout allait bien jusqu’alors. Les Maoris, étendus près de leurs brasiers, ne semblaient pas apercevoir les deux fugitifs, qui firent encore quelques pas. Mais soudain, à gauche et à droite de la crête, une double fusillade éclata.

« En arrière ! dit Glenarvan, ces bandits ont des yeux de chat et des fusils de riflemen ! »

John Mangles et lui remontèrent aussitôt les roides talus du mont, et vinrent promptement rassurer leurs amis effrayés par les détonations. Le chapeau de Glenarvan avait été traversé de deux balles. Il était donc impossible de s’aventurer sur l’interminable crête entre ces deux rangs de tirailleurs.

« À demain, dit Paganel, et puisque nous ne pouvons tromper la vigilance de ces indigènes, vous me permettrez de leur servir un plat de ma façon ! »

La température était assez froide. Heureusement, Kara-Tété avait emporté dans sa tombe ses meilleures robes de nuit, de chaudes couvertures de phormium dont chacun s’enveloppa sans scrupule, et bientôt les fugitifs, gardés par la superstition indigène, dormaient tranquillement à l’abri des palissades, sur ce sol tiède et tout frissonnant de bouillonnements intérieurs.


CHAPITRE XV

LES GRANDS MOYENS DE PAGANEL.


Le lendemain, 17 février, le soleil levant réveilla de ses premiers rayons les dormeurs du Maunganamu. Les Maoris, depuis longtemps déjà, allaient et venaient au pied du cône, sans s’écarter de leur ligne d’observation. De furieuses clameurs saluèrent l’apparition des Européens qui sortaient de l’enceinte profanée.

Chacun jeta son premier coup d’œil aux montagnes environnantes, aux vallées profondes encore noyées de brumes, à la surface du lac Taupo, que le vent du matin ridait légèrement.