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du capitaine grant.

— Le déjeuner est servi, » annonça Mr. Olbinett, aussi gravement que s’il eût été dans l’exercice de ses fonctions au château de Malcolm.

Aussitôt les fugitifs, assis près de la palissade, commencèrent un de ces repas que depuis quelque temps la Providence leur envoyait si exactement dans les plus graves conjonctures.

On ne se montra pas difficile sur le choix des aliments, mais les avis furent partagés touchant la racine de fougère comestible. Les uns lui trouvèrent une saveur douce et agréable, les autres un goût mucilagineux, parfaitement insipide, et une remarquable coriacité. Les patates douces, cuites dans le sol brûlant, étaient excellentes. Le géographe fit observer que Kara-Tété n’était point à plaindre.

Puis, la faim rassasiée, Glenarvan proposa de discuter, sans retard, un plan d’évasion.

« Déjà ! dit Paganel, d’un ton véritablement piteux. Comment, vous songez déjà à quitter ce lieu de délices ?

— Mais, monsieur Paganel, répondit lady Helena, en admettant que nous soyons à Capoue, vous savez qu’il ne faut pas imiter Annibal !

— Madame, répondit Paganel, je ne me permettrai point de vous contredire, et puisque vous voulez discuter, discutons.

— Je pense tout d’abord, dit Glenarvan, que nous devons tenter une évasion avant d’y être poussés par la famine. Les forces ne nous manquent pas, et il faut en profiter. La nuit prochaine, nous essayerons de gagner les vallées de l’est en traversant le cercle des indigènes à la faveur des ténèbres.

— Parfait, répondit Paganel, si les Maoris nous laissent passer.

— Et s’ils nous en empêchent ? dit John Mangles.

— Alors, nous emploierons les grands moyens, répondit Paganel.

— Vous avez donc de grands moyens ? demanda le major.

— À n’en savoir que faire ! » répliqua Paganel sans s’expliquer davantage.

Il ne restait plus qu’à attendre la nuit pour essayer de franchir la ligne des indigènes.

Ceux-ci n’avaient pas quitté la place. Leurs rangs semblaient même s’être grossis des retardataires de la tribu. Çà et là, des foyers allumés formaient une ceinture de feux à la base du cône. Quand les ténèbres envahirent les vallées environnantes, le Maunganamu parut sortir d’un vaste brasier, tandis que son sommet se perdait dans une ombre épaisse. On entendait à six cents pieds plus bas l’agitation, les cris, le murmure du bivouac ennemi.

À neuf heures, par une nuit très-noire, Glenarvan et John Mangles