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— Évidemment, dit le major, ce chef a un intérêt personnel à nous protéger. Il veut échanger ses prisonniers contre des chefs de sa tribu ! Mais ses guerriers y consentiront-ils ?

— Oui !… Ils l’écoutent… reprit Robert. Ils se dispersent… Les uns rentrent dans leurs huttes… Les autres quittent le retranchement…

— Dis-tu vrai ? s’écria le major.

— Oui, monsieur Mac Nabbs, répondit Robert. Kai-Koumou est resté seul avec les guerriers de son embarcation… Ah ! l’un d’eux se dirige vers notre case…

— Descends, Robert, » dit Glenarvan.

En ce moment, lady Helena, qui s’était relevée, saisit le bras de son mari.

« Edward, dit-elle d’une voix ferme, ni Mary Grant ni moi, nous ne devons tomber vivantes entre les mains de ces sauvages ! »

Et, ces paroles dites, elle tendit à Glenarvan un revolver chargé.

« Une arme ! s’écria Glenarvan dont un éclair illumina les yeux.

— Oui ! les Maoris ne fouillent pas leurs prisonnières ! Mais, cette arme, c’est pour nous, Edward, non pour eux !…

— Glenarvan, dit rapidement Mac Nabbs, cachez ce revolver ! Il n’est pas temps encore… »

Le revolver disparut sous les vêtements du lord. La natte qui fermait l’entrée de la case se souleva. Un indigène parut.

Il fit signe aux prisonniers de le suivre. Glenarvan et les siens, en groupe serré, traversèrent le pah, et s’arrêtèrent devant Kai-Koumou.

Autour de ce chef étaient réunis les principaux guerriers de sa tribu. Parmi eux se voyait ce Maori dont l’embarcation rejoignit celle de Kai-Koumou au confluent du Pohainhenna sur le Waikato. C’était un homme de quarante ans, vigoureux, de mine farouche et cruelle. Il se nommait Kara-Tété, c’est-à-dire « l’irascible » en langue zélandaise. Kai-Koumou le traitait avec certains égards, et, à la finesse de son tatouage, on reconnaissait que Kara-Tété occupait un rang élevé dans la tribu. Cependant, un observateur eût deviné qu’entre ces deux chefs il y avait rivalité. Le major observa que l’influence de Kara-Tété portait ombrage à Kai-Koumou. Ils commandaient tous les deux à ces importantes peuplades du Waikato et avec une puissance égale. Aussi, pendant cet entretien, si la bouche de Kai-Koumou souriait, ses yeux trahissaient une profonde inimitié.

Kai-Koumou interrogea Glenarvan :

« Tu es Anglais ? lui demanda-t-il.

— Oui, répondit le lord sans hésiter, car cette nationalité devait rendre un échange plus facile.