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du capitaine grant.

l’Australie. Mais ici, je le répète, tout vaut mieux que de s’aventurer dans ce pays perfide.

— Tout vaut mieux que de s’exposer à une perte certaine sur un navire échoué, fit John Mangles.

— Qu’avons-nous donc tant à redouter de la Nouvelle-Zélande ? demanda Glenarvan.

— Les sauvages, répondit Paganel.

— Les sauvages ! répliqua Glenarvan. Ne peut-on les éviter, en suivant la côte ? D’ailleurs, une attaque de quelques misérables ne peut préoccuper dix Européens bien armés et décidés à se défendre.

— Il ne s’agit pas de misérables, répondit Paganel en secouant la tête. Les Néo-Zélandais forment des tribus terribles, qui luttent contre la domination anglaise, contre les envahisseurs, qui les vainquent souvent, qui les mangent toujours !

— Des cannibales ! s’écria Robert, des cannibales ! »

Puis on l’entendit qui murmurait ces deux noms :

« Ma sœur ! Madame Helena !

— Ne crains rien, mon enfant, lui répondit Glenarvan, pour rassurer le jeune enfant. Notre ami Paganel exagère !

— Je n’exagère rien, reprit Paganel. Robert a montré qu’il était un homme, et je le traite en homme, en ne lui cachant pas la vérité. Les Néo-Zélandais sont les plus cruels, pour ne pas dire les plus gourmands des anthropophages. Ils dévorent tout ce qui leur tombe sous la dent. La guerre n’est pour eux qu’une chasse à ce gibier savoureux qui s’appelle l’homme, et il faut l’avouer, c’est la seule guerre logique. Les Européens tuent leurs ennemis et les enterrent. Les sauvages tuent leurs ennemis et les mangent, et, comme l’a fort bien dit mon compatriote Toussenel, le mal n’est pas tant de faire rôtir son ennemi quand il est mort, que de le tuer quand il ne veut pas mourir.

— Paganel, répondit le major, il y a matière à discussion, mais ce n’est pas le moment. Qu’il soit logique ou non d’être mangé, nous ne voulons pas qu’on nous mange. Mais comment le christianisme n’a-t-il pas encore détruit ces habitudes d’anthropophagie ?

— Croyez-vous donc que tous les Néo-Zélandais soient chrétiens ? répliqua Paganel. C’est le petit nombre, et les missionnaires sont encore et trop souvent victimes de ces brutes. L’année dernière, le révérend Walkner a été martyrisé avec une horrible cruauté. Les Maoris l’ont pendu. Leurs femmes lui ont arraché les yeux. On a bu son sang, on a mangé sa cervelle. Et ce meurtre a eu lieu en 1864, à Opotiki, à quelques lieues d’Auckland, pour ainsi dire sous les yeux des autorités anglaises. Mes amis, il