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courant bord sur bord, comme un mois auparavant, par le travers du cap Corrientes, sur les côtes argentines ?

On ne vit rien. Le ciel et l’eau se confondaient dans un même horizon. Pas une voile n’animait la vaste étendue de l’océan.

Un espoir restait encore. Peut-être Tom Austin avait-il cru devoir jeter l’ancre dans la baie Twofold, car la mer était mauvaise, et un navire ne pouvait se tenir en sûreté sur de pareils atterrages.

« À Éden ! » dit Glenarvan.

Aussitôt, le mail-coach reprit à droite la route circulaire qui prolongeait les rivages de la baie, et se dirigea vers la petite ville d’Éden, distante de cinq milles.

Les postillons s’arrêtèrent non loin du feu fixe qui signale l’entrée du port. Quelques navires étaient mouillés dans la rade, mais aucun ne déployait à sa corne le pavillon de Malcolm.

Glenarvan, John Mangles, Paganel, descendirent de voiture, coururent à la douane, interrogèrent les employés et consultèrent les arrivages des derniers jours.

Aucun navire n’avait rallié la baie depuis une semaine.

« Ne serait-il pas parti ! s’écria Glenarvan, qui, par un revirement facile au cœur de l’homme, ne voulait plus désespérer. Peut-être sommes-nous arrivés avant lui ! »

John Mangles secoua la tête. Il connaissait Tom Austin. Son second n’aurait jamais retardé de dix jours l’exécution d’un ordre.

« Je veux savoir à quoi m’en tenir, dit Glenarvan. Mieux vaut la certitude que le doute ! »

Un quart d’heure après, un télégramme était lancé au syndic des shipbrokers de Melbourne.

Puis, les voyageurs se firent conduire à l’hôtel Victoria.

À deux heures, une dépêche télégraphique fut remise à lord Glenarvan. Elle était libellée en ces termes :

« Lord Glenarvan, Éden,
« Twofold-Bay.

« Duncan parti depuis 18 courant pour destination inconnue.

« J. Andrew. S. B. »

La dépêche tomba des mains de Glenarvan.

Plus de doute ! L’honnête yacht écossais aux mains de Ben Joyce était devenu un navire de pirates !

Ainsi finissait cette traversée de l’Australie, commencée sous de si favo-