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grands arbres. La place était abandonnée. De nombreuses traces de pas s’y voyaient, et quelques amorces à demi consumées fumaient sur le sol. Le major, en homme prudent, les éteignit, car il suffisait d’une étincelle pour allumer un incendie redoutable dans cette forêt d’arbres secs.

« Les convicts ont disparu, dit John Mangles.

— Oui, répondit le major, et cette disparition m’inquiète. Je préférerais les voir face à face. Mieux vaut un tigre en plaine qu’un serpent sous les herbes. Battons ces buissons autour du chariot. »

Le major et John fouillèrent la campagne environnante. De la lisière du bois aux bords de la Snowy, ils ne rencontrèrent pas un seul convict. La bande de Ben Joyce semblait s’être envolée comme une troupe d’oiseaux malfaisants. Cette disparition était trop singulière pour laisser une sécurité parfaite. C’est pourquoi on résolut de se tenir sur le qui-vive. Le chariot, véritable forteresse embourbée, devint le centre du campement, et deux hommes, se relevant d’heure en heure, firent bonne garde.

Le premier soin de lady Helena et de Mary Grant avait été de panser la blessure de Glenarvan. Au moment où son mari tomba sous la balle de Ben Joyce, lady Helena, épouvantée, s’était précipitée vers lui. Puis, maîtrisant son angoisse, cette femme courageuse avait conduit Glenarvan au chariot. Là, l’épaule du blessé fut mise à nu, et le major reconnut que la balle, déchirant les chairs, n’avait produit aucune lésion interne. Ni l’os ni les muscles ne lui parurent attaqués. La blessure saignait beaucoup, mais Glenarvan, remuant les doigts de l’avant-bras, rassura lui-même ses amis sur les résultats du coup. Son pansement fait, il ne voulut plus que l’on s’occupât de lui, et on en vint aux explications.

Les voyageurs, moins Mulrady et Wilson qui veillaient au dehors, s’étaient alors casés tant bien que mal dans le chariot. Le major fut invité à parler.

Avant de commencer son récit, il mit lady Helena au courant des choses qu’elle ignorait, c’est-à-dire l’évasion d’une bande de condamnés de Perth, leur apparition dans les contrées de la Victoria, leur complicité dans la catastrophe du chemin de fer. Il lui remit le numéro de l’Australian and New Zealand Gazette acheté à Seymour, et il ajouta que la police avait mis à prix la tête de ce Ben Joyce, redoutable bandit, auquel dix-huit mois de crimes avaient fait une funeste célébrité.

Mais comment Mac Nabbs avait-il reconnu ce Ben Joyce dans le quartier-maître Ayrton ? Là était le mystère que tous voulaient éclaircir, et le major s’expliqua.

Depuis le jour de sa rencontre, Mac Nabbs, par instinct, se défiait d’Ayrton. Deux ou trois faits presque insignifiants, un coup d’œil échangé entre