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dans une nuit précoce toute cette région transalpine. Ce contraste fut vivement senti de spectateurs placés entre ces deux pays si tranchés, et une certaine émotion les prit à voir cette contrée presque inconnue qu’ils allaient traverser jusqu’aux frontières victoriennes.

On campa sur le plateau même, et le lendemain la descente commença. Elle fut assez rapide. Une grêle d’une violence extrême assaillit les voyageurs, et les força de chercher un abri sous des roches. Ce n’étaient pas des grêlons, mais de véritables plaques de glace, larges comme la main, qui se précipitaient des nuages orageux. Une fronde ne les eût pas lancées avec plus de force, et quelques bonnes contusions apprirent à Paganel et à Robert qu’il fallait se dérober à leurs coups. Le chariot fut criblé en maint endroit, et peu de toitures eussent résisté à la chute de ces glaçons aigus dont quelques-uns s’incrustaient dans le tronc des arbres. Il fallut attendre la fin de cette averse prodigieuse, sous peine d’être lapidé. Ce fut l’affaire d’une heure environ, et la troupe s’engagea de nouveau sur les roches déclives, toutes glissantes encore des ruissellements de la grêle.

Vers le soir le chariot, fort cahoté, fort disjoint en différentes parties de sa carcasse, mais encore solide sur ses disques de bois, descendait les derniers échelons des Alpes, entre de grands sapins isolés. La passe aboutissait aux plaines du Gippsland. La chaîne des Alpes venait d’être heureusement franchie, et les dispositions accoutumées furent faites pour le campement du soir.

Le 12, dès l’aube, reprise du voyage avec une ardeur qui ne se démentait pas. Chacun avait hâte d’arriver au but, c’est-à-dire à l’Océan Pacifique, au point même où se brisa le Britannia. Là seulement pouvaient être utilement rejointes les traces des naufragés, et non dans ces contrées désertes du Gippsland. Aussi, Ayrton pressait-il lord Glenarvan d’expédier au Duncan l’ordre de se rendre à la côte, afin d’avoir à sa disposition tous les moyens de recherche. Il fallait, selon lui, profiter de la route de Lucknow qui se rend à Melbourne. Plus tard, ce serait difficile, car les communications directes avec la capitale manqueraient absolument.

Ces recommandations du quartier-maître paraissaient bonnes à suivre. Paganel conseillait d’en tenir compte. Il pensait aussi que la présence du yacht serait fort utile en pareille circonstance, et il ajoutait que l’on ne pourrait plus communiquer avec Melbourne, la route de Lucknow une fois dépassée.

Glenarvan était indécis, et peut-être eût-il expédié ces ordres que réclamait tout particulièrement Ayrton, si le major n’eût combattu cette décision avec une grande vigueur. Il démontra que la présence d’Ayrton