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En ce moment, Robert faillit être victime de son imprudence. Dans le but d’assurer son coup, il s’approcha si près du kanguroo, que celui-ci s’élança d’un bond. Robert tomba, un cri retentit. Mary Grant, du haut du break, terrifiée, sans voix, presque sans regards, tendait les mains vers son frère. Aucun chasseur n’osait tirer sur l’animal, car il pouvait aussi frapper l’enfant.

Mais soudain John Mangles, son couteau de chasse ouvert, se précipita sur le kanguroo au risque d’être éventré, et il frappa l’animal au cœur. La bête abattue, Robert se releva sans blessure. Un instant après, il était dans les bras de sa sœur.

« Merci, monsieur John ! merci ! dit Mary Grant, qui tendit la main au jeune capitaine.

— Je répondais de lui », dit John Mangles, en prenant la main tremblante de la jeune fille.

Cet incident termina la chasse. La bande de marsupiaux s’était dispersée après la mort de son chef, dont les dépouilles furent rapportées à l’habitation. Il était alors six heures du soir. Un dîner magnifique attendait les chasseurs. Entre autres mets, un bouillon de queue de kanguroo, préparé à la mode indigène, fut le grand succès du repas.

Après les glaces et sorbets du dessert, les convives passèrent au salon. La soirée fut consacrée à la musique. Lady Helena, très-bonne pianiste, mit ses talents à la disposition des squatters. Michel et Sandy Patterson chantèrent avec un goût parfait des passages empruntés aux dernières partitions de Gounod, de Victor Massé, de Félicien David, et même de ce génie incompris, Richard Wagner.

À onze heures, le thé fut servi ; il était fait avec cette perfection anglaise qu’aucun autre peuple ne peut égaler. Mais Paganel ayant demandé à goûter le thé australien, on lui apporta une liqueur noire comme de l’encre, un litre d’eau dans lequel une demi-livre de thé avait bouilli pendant quatre heures. Paganel, malgré ses grimaces, déclara ce breuvage excellent.

À minuit, les hôtes de la station, conduits à des chambres fraîches et confortables, prolongèrent dans leurs rêves les plaisirs de cette journée.

Le lendemain, dès l’aube, ils prirent congé des deux jeunes squatters. Il y eut force remercîments et promesses formelles de se revoir en Europe, au château de Malcolm. Puis le chariot se mit en marche, tourna la base du mont Hottam, et bientôt l’habitation disparut, comme une vision rapide, aux yeux des voyageurs. Pendant cinq milles encore, ils foulèrent du pied de leurs chevaux le sol de la station. À neuf heures seulement, la