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quelques mots échangés dans une conversation décousue, les roues du chariot qui grinçaient, et, de temps en temps, un cri d’Ayrton excitant son indolent attelage, troublaient seuls ces immenses solitudes.

Le soir venu, on campa au pied d’eucalyptus qui portaient la marque d’un feu assez récent. Ils formaient comme de hautes cheminées d’usines, car la flamme les avait creusés intérieurement dans toute leur longueur. Avec le seul revêtement d’écorce qui leur restait, ils ne s’en portaient pas plus mal. Cependant, cette fâcheuse habitude des squatters ou des indigènes finira par détruire ces magnifiques arbres, et ils disparaîtront comme ces cèdres du Liban, vieux de quatre siècles, que brûle la flamme maladroite des campements.

Olbinett, suivant le conseil de Paganel, alluma le feu du souper dans un de ces troncs tubulaires ; il obtint aussitôt un tirage considérable, et la fumée alla se perdre dans le massif assombri du feuillage. On prit les précautions voulues pour la nuit, et Ayrton, Mulrady, Wilson, John Mangles, se relayant tour à tour, veillèrent jusqu’au lever du soleil.

Pendant toute la journée du 3 janvier l’interminable forêt multiplia ses longues avenues symétriques. C’était à croire qu’elle ne finirait pas. Cependant, vers le soir, les rangs des arbres s’éclaircirent, et à quelques milles, dans une petite plaine, apparut une agglomération de maisons régulières.

« Seymour ! s’écria Paganel. Voilà la dernière ville que nous devons rencontrer avant de quitter la province de Victoria.

— Est-elle importante ? demanda lady Helena.

— Madame, répondit Paganel, c’est une simple paroisse qui est en train de devenir une municipalité.

— Y trouverons-nous un hôtel convenable ? dit Glenarvan.

— Je l’espère, répondit le géographe.

— Eh bien, entrons dans la ville, car nos vaillantes voyageuses ne seront pas fâchées, j’imagine, de s’y reposer une nuit.

— Mon cher Edward, répondit lady Helena, Mary et moi nous acceptons, mais à la condition que cela ne causera ni un dérangement, ni un retard.

— Aucunement, répondit lord Glenarvan ; notre attelage est fatigué ; d’ailleurs, demain, nous repartirons à la pointe du jour. »

Il était alors neuf heures. La lune s’approchait de l’horizon et ne jetait plus que des rayons obliques, noyés dans la brume. L’obscurité se faisait peu à peu. Toute la troupe pénétra dans les larges rues de Seymour sous la direction de Paganel, qui semblait toujours parfaitement connaître ce qu’il n’avait jamais vu. Mais son instinct le guidait, et il arriva droit à Campbell’s North British hôtel.