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Toliné fit un signe affirmatif et reporta ses regards sur les voyageuses.

« D’où viens-tu, mon ami ? reprit lady Helena.

— De Melbourne, par le railway de Sandhurst.

— Tu étais dans ce train qui a déraillé au pont de Camden ? demanda Glenarvan.

— Oui, Monsieur, répondit Toliné, mais le Dieu de la Bible m’a protégé.

— Tu voyageais seul ?

— Seul. Le révérend Paxton m’avait confié aux soins de Jeffries Smith. Malheureusement, le pauvre facteur a été tué !

— Et dans ce train, tu ne connaissais personne ?

— Personne, Monsieur, mais Dieu veille sur les enfants et ne les abandonne jamais ! »

Toliné disait ces choses d’une voix douce, qui allait au cœur. Quand il parlait de Dieu, sa parole devenait plus grave, ses yeux s’allumaient, et l’on sentait toute la ferveur contenue dans cette jeune âme.

Cet enthousiasme religieux dans un âge si tendre s’expliquera facilement. Cet enfant était un de ces jeunes indigènes baptisés par les missionnaires anglais, et élevés par eux dans les pratiques austères de la religion méthodiste. Ses réponses calmes, sa tenue propre, son costume sombre lui donnaient déjà l’air d’un petit révérend.

Mais où allait-il ainsi à travers ces régions désertes, et pourquoi avait-il quitté Camden-Bridge ? Lady Helena l’interrogea à ce sujet.

« Je retournais à ma tribu, dans le Lachlan, répondit-il. Je veux revoir ma famille.

— Des Australiens ? demanda John Mangles.

— Des Australiens du Lachlan, répondit Toliné.

— Et tu as un père, une mère ? dit Robert Grant.

— Oui, mon frère, » répondit Toliné, en offrant sa main au jeune Grant, que ce nom de frère toucha sensiblement. Il embrassa le petit indigène, et il n’en fallait pas plus pour faire d’eux une paire d’amis.

Cependant les voyageurs, vivement intéressés par les réponses de ce jeune sauvage, s’étaient peu à peu assis autour de lui, et l’écoutaient parler. Déjà le soleil s’abaissait derrière les grands arbres. Puisque l’endroit paraissait propice à une halte, et qu’il importait peu de faire quelques milles de plus avant la nuit close, Glenarvan donna l’ordre de tout préparer pour le campement. Ayrton détela les bœufs ; avec l’aide de Mulrady et de Wilson, il leur mit les entraves, et les laissa paître à leur fantaisie. La tente fut dressée. Olbinett prépara le repas. Toliné accepta d’en prendre sa part, non sans faire quelque cérémonie, quoiqu’il eût faim. On se mit donc