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vier 1862 de la dernière station de la colonie dans la direction du nord. En mémoire de cet heureux événement, ils ont déployé ici le drapeau australien avec le nom du chef de l’expédition. Tout est bien. Dieu protège la reine. »

« Suivent les signatures de Stuart et de ses compagnons.

« Ainsi fut constaté ce grand événement qui eut un retentissement immense dans le monde entier.

— Et ces hommes courageux ont-ils tous revu leurs amis du Sud ? demanda lady Helena.

— Oui, madame, répondit Paganel ; tous, mais non pas sans de cruelles fatigues. Stuart fut le plus éprouvé ; sa santé était gravement compromise par le scorbut, quand il reprit son itinéraire vers Adélaïde. Au commencement de septembre, sa maladie avait fait de tels progrès, qu’il ne croyait pas revoir les districts habités. Il ne pouvait plus se tenir en selle ; il allait, couché dans un palanquin suspendu entre deux chevaux. À la fin d’octobre, des crachements de sang le mirent à toute extrémité. On tua un cheval pour lui faire du bouillon ; le 28 octobre, il pensait mourir, quand une crise salutaire le sauva, et, le 10 décembre, la petite troupe tout entière atteignit les premiers établissements.

« Ce fut le 17 décembre que Stuart entra à Adélaïde au milieu d’une population enthousiasmée. Mais sa santé était toujours délabrée, et bientôt, après avoir obtenu la grande médaille d’or de la société de géographie, il s’embarqua sur l’Indus pour sa chère Écosse, sa patrie, où nous le reverrons à notre retour[1].

— C’était un homme qui possédait au plus haut degré l’énergie morale, dit Glenarvan, et, mieux encore que la force physique, elle conduit à l’accomplissement des grandes choses. L’Écosse est fière à bon droit de le compter au nombre de ses enfants.

— Et depuis Stuart, demanda lady Helena, aucun voyageur n’a-t-il tenté de nouvelles découvertes ?

— Si, madame, répondit Paganel. Je vous ai parlé souvent de Leichardt. Ce voyageur avait déjà fait en 1844 une remarquable exploration dans l’Australie septentrionale. En 1848, il entreprit une seconde expédition vers le nord-est. Depuis dix-sept ans, il n’a pas reparu. L’année dernière, le célèbre botaniste, le docteur Muller, de Melbourne, a provoqué une souscription publique destinée aux frais d’une expédition. Cette expédition a été rapidement couverte, et une troupe de courageux squatters, commandée par l’intelligent et audacieux Mac Intyre, a quitté le 21 juin

  1. Jacques Paganel a pu revoir Stuart à son retour en Écosse, mais il n’a pas joui longtemps de la compagnie de ce voyageur célèbre. Stuart est mort le 5 juin 1866, dans une modeste maison de Nottingham-Hill.