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— Réfléchis donc, reprit Paganel, quand nous sommes en hiver, là-bas, en Europe, quelle est la saison qui règne ici, en Australie, aux antipodes ?

— L’été, dit Robert.

— Eh bien, puisque précisément à cette époque la terre se trouve plus rapprochée du soleil… comprends-tu ?

— Je comprends…

— Que l’été des régions australes est plus chaud par suite de cette proximité que l’été des régions boréales.

— En effet, monsieur Paganel.

— Donc, quand on dit que le soleil est plus près de la terre « en hiver », ce n’est vrai que pour nous autres, qui habitons la partie boréale du globe.

— Voilà une chose à laquelle je n’avais pas songé, répondit Robert.

— Et maintenant, va, mon garçon, et ne l’oublie plus. »

Robert reçut de bonne grâce sa petite leçon de cosmographie, et finit par apprendre que la température moyenne de la province de Victoria atteignait soixante-quatorze degrés Fahrenheit (+ 23° 33 centigrades).

Le soir, la troupe campa à cinq milles au delà du lac Lonsdale, entre le mont Drummond qui se dressait au nord, et le mont Dryden dont le médiocre sommet écornait l’horizon du sud.

Le lendemain, à onze heures, le chariot atteignit les bords de la Wimerra, sur le cent quarante-troisième méridien.

La rivière, large d’un demi-mille, s’en allait par nappes limpides entre deux hautes rangées de gommiers et d’acacias. Quelques magnifiques myrtacées, le « metrosideros speciosa » entre autres, élevaient à une quinzaine de pieds leurs branches longues et pleurantes, agrémentées de fleurs rouges. Mille oiseaux, des loriots, des pinsons, des pigeons aux ailes d’or, sans parler des perroquets babillards, voletaient dans les vertes ramilles. Au-dessous, à la surface des eaux, s’ébattait un couple de cygnes noirs, timides et inabordables. Ce « rara avis » des rivières australiennes se perdit bientôt dans les méandres de la Wimerra, qui arrosait capricieusement cette campagne attrayante.

Cependant, le chariot s’était arrêté sur un tapis de gazon dont les franges pendaient sur les eaux rapides. Là, ni radeau, ni pont. Il fallait passer pourtant. Ayrton s’occupa de chercher un gué praticable. La rivière, un quart de mille en amont, lui parut moins profonde, et ce fut en cet endroit qu’il résolut d’atteindre l’autre rive. Divers sondages n’accusèrent que trois pieds d’eau. Le chariot pouvait donc s’engager sur ce haut-fond sans courir de grands risques.