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les côtes de la Patagonie ; de quelle manière, après le naufrage, le capitaine et deux matelots, seuls survivants, devaient avoir gagné le continent ; enfin comment ils imploraient le secours du monde entier dans ce document écrit en trois langues et abandonné aux caprices de l’Océan.

Pendant ce récit, Robert Grant dévorait des yeux lady Helena ; sa vie était suspendue à ses lèvres ; son imagination d’enfant lui retraçait les scènes terribles dont son père avait dû être la victime ; il le voyait sur le pont du Britannia ; il le suivait au sein des flots ; il s’accrochait avec lui aux rochers de la côte ; il se traînait haletant sur le sable et hors de la portée des vagues. Plusieurs fois, pendant cette histoire, des paroles s’échappèrent de sa bouche.

« Oh ! papa ! mon pauvre papa ! » s’écria-t-il en se pressant contre sa sœur.

Quant à miss Grant, elle écoutait, joignant les mains, et ne prononça pas une seule parole, jusqu’au moment où, le récit terminé, elle dit : « Oh ! Madame ! le document ! le document !

— Je ne l’ai plus, ma chère enfant, répondit lady Helena.

— Vous ne l’avez plus ?

— Non ; dans l’intérêt même de votre père, il a dû être porté à Londres par lord Glenarvan ; mais je vous ai dit tout ce qu’il contenait mot pour mot, et comment nous sommes parvenus à en retrouver le sens exact ; parmi ces lambeaux de phrases presque effacés, les flots ont respecté quelques chiffres ; malheureusement, la longitude…

— On s’en passera ! s’écria le jeune garçon.

— Oui, monsieur Robert, répondit Helena en souriant à le voir si déterminé. Ainsi, vous le voyez, miss Grant, les moindres détails de ce document vous sont connus comme à moi.

— Oui, Madame, répondit la jeune fille, mais j’aurais voulu voir l’écriture de mon père.

— Eh bien, demain, demain peut-être, lord Glenarvan sera de retour. Mon mari, muni de ce document incontestable, a voulu le soumettre aux commissaires de l’Amirauté, afin de provoquer l’envoi immédiat d’un navire à la recherche du capitaine Grant.

— Est-il possible, Madame ! s’écria la jeune fille ; vous avez fait cela pour nous ?

— Oui, ma chère miss, et j’attends lord Glenarvan d’un instant à l’autre.

— Madame, dit la jeune fille avec un profond accent de reconnaissance et une religieuse ardeur, lord Glenarvan et vous, soyez bénis du ciel !

— Chère enfant, répondit lady Helena, nous ne méritons aucun remercîment ; toute autre personne à notre place eût fait ce que nous avons fait.