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sœur et un frère. À leur ressemblance on ne pouvait en douter. La sœur avait seize ans. Sa jolie figure un peu fatiguée, ses yeux qui avaient dû pleurer souvent, sa physionomie résignée, mais courageuse, sa mise pauvre, mais propre, prévenaient en sa faveur. Elle tenait par la main un garçon de douze ans à l’air décidé, et qui semblait prendre sa sœur sous sa protection. Vraiment ! quiconque eût manqué à la jeune fille aurait eu affaire à ce petit bonhomme !

La sœur demeura un peu interdite en se trouvant devant lady Helena. Celle-ci se hâta de prendre la parole.

« Vous désirez me parler ? dit-elle en encourageant la jeune fille du regard.

— Non, répondit le jeune garçon d’un ton déterminé, pas à vous, mais à lord Glenarvan lui-même.

— Excusez-le, Madame, dit alors la sœur en regardant son frère.

— Lord Glenarvan n’est pas au château, reprit lady Helena ; mais je suis sa femme, et si je puis le remplacer auprès de vous…

— Vous êtes lady Glenarvan ? dit la jeune fille.

— Oui, miss.

— La femme de lord Glenarvan de Malcolm-Castle, qui a publié dans le Times une note relative au naufrage du Britannia ?

— Oui ! oui ! répondit lady Helena avec empressement, et vous ?…

— Je suis miss Grant, Madame, et voici mon frère.

— Miss Grant, miss Grant ! s’écria lady Helena en attirant la jeune fille près d’elle, en lui prenant les mains, en baisant les bonnes joues du petit bonhomme.

— Madame, reprit la jeune fille, que savez-vous du naufrage de mon père ? Est-il vivant ? Le reverrons-nous jamais ? Parlez, je vous en supplie !

— Ma chère enfant, dit lady Helena, Dieu me garde de vous répondre légèrement dans une semblable circonstance ; je ne voudrais pas vous donner une espérance illusoire…

— Parlez, Madame, parlez ! je suis forte contre la douleur et je puis tout entendre.

— Ma chère enfant, répondit lady Helena, l’espoir est bien faible ; mais, avec l’aide de Dieu qui peut tout, il est possible que vous revoyiez un jour votre père.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! » s’écria miss Grant, qui ne put contenir ses larmes, tandis que Robert couvrait de baisers les mains de lady Glenarvan.

Lorsque le premier accès de cette joie douloureuse fut passé, la jeune fille se laissa aller à faire des questions sans nombre ; lady Helena lui raconta l’histoire du document, comment le Britannia s’était perdu sur