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beaucoup, bien qu’il parût homme à supporter les souffrances, à les braver, à les vaincre.

Glenarvan et ses amis avaient senti cela à première vue. La personnalité d’Ayrton s’imposait dès l’abord. Glenarvan, se faisant l’interprète de tous, le pressa de questions auxquelles Ayrton répondit. La rencontre de Glenarvan et Ayrton avait évidemment produit chez tous deux une émotion réciproque.

Aussi les premières questions de Glenarvan se pressèrent-elles sans ordre, et comme malgré lui.

« Vous êtes un des naufragés du Britannia ? demanda-t-il.

— Oui, mylord, le quartier-maître du capitaine Grant, répondit Ayrton.

— Sauvé avec lui après le naufrage ?

— Non, mylord, non. À ce moment terrible, j’ai été séparé, enlevé du pont du navire, jeté à la côte.

— Vous n’êtes donc pas un des deux matelots dont le document fait mention ?

— Non. Je ne connaissais pas l’existence de ce document. Le capitaine l’a lancé à la mer quand je n’étais plus à bord.

— Mais le capitaine ? le capitaine ?

— Je le croyais noyé, disparu, abîmé avec tout l’équipage du Britannia. Je pensais avoir survécu seul.

— Mais vous avez dit que le capitaine Grant était vivant !

— Non. J’ai dit : si le capitaine est vivant…

— Vous avez ajouté : il est sur le continent australien !…

— Il ne peut être que là, en effet.

— Vous ne savez donc pas où il est ?

— Non, mylord, je vous le répète, je le croyais enseveli dans les flots ou brisé sur les rocs. C’est vous qui m’apprenez que peut-être il vit encore.

— Mais alors que savez-vous ? demanda Glenarvan.

— Ceci seulement. Si le capitaine Grant est vivant, il est en Australie.

— Où donc a eu lieu le naufrage ? » dit alors le major Mac Nabbs.

C’était la première question à poser, mais, dans le trouble causé par cet incident, Glenarvan, pressé de savoir avant tout où se trouvait le capitaine Grant, ne s’informa pas de l’endroit où le Britannia s’était perdu. À partir de ce moment, la conversation, jusque-là vague, illogique, procédant par bonds, effleurant les sujets sans les approfondir, mêlant les faits, intervertissant les dates, prit une allure plus raisonnable, et bientôt les détails de cette obscure histoire apparurent nets et précis à l’esprit de ses auditeurs.