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De telles paroles devaient produire une douloureuse impression sur les auditeurs de Glenarvan. Robert et Mary étaient là qui l’écoutaient, les yeux mouillés de larmes. Paganel ne trouvait pas un mot de consolation et d’espoir. John Mangles souffrait d’une douleur qu’il ne pouvait adoucir. Déjà le désespoir envahissait l’âme de ces hommes généreux que le Duncan venait de porter inutilement à ces lointains rivages, quand ces paroles se firent entendre :

« Mylord, louez et remerciez Dieu. Si le capitaine Grant est vivant, il est vivant sur la terre australienne ! »

CHAPITRE VII


AYRTON.


La surprise que produisirent ces paroles ne saurait se dépeindre. Glenarvan s’était levé d’un bond, et, repoussant son siège :

« Qui parle ainsi ? s’écria-t-il.

— Moi, répondit un des serviteurs de Paddy O’Moore, assis au bout de la table.

— Toi, Ayrton ! dit le colon, non moins stupéfait que Glenarvan.

— Moi, répondit Ayrton d’une voix émue, mais ferme, moi, un Écossais comme vous, mylord, moi, un des naufragés du Britannia ! »

Cette déclaration produisit un indescriptible effet. Mary Grant, à demi pâmée par l’émotion, à demi mourante de bonheur, cette fois, se laissa aller dans les bras de lady Helena. John Mangles, Robert, Paganel, quittant leur place, se précipitèrent vers celui que Paddy O’Moore venait de nommer Ayrton.

C’était un homme de quarante-cinq ans, d’une rude physionomie, dont le regard très-brillant se perdait sous une arcade sourcilière profondément enfoncée. Sa vigueur devait être peu commune, malgré la maigreur de son corps. Il était tout os et tout nerfs, et, suivant une expression écossaise, il ne perdait pas son temps à faire de la chair grasse. Une taille moyenne, des épaules larges, une allure décidée, une figure pleine d’intelligence et d’énergie, quoique les traits en fussent durs, prévenaient en sa faveur. La sympathie qu’il inspirait était encore accrue par les traces d’une récente misère empreinte sur son visage. On voyait qu’il avait souffert et