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la baie Encounter. C’est là qu’en 1828 le voyageur Sturt arriva après avoir découvert le Murray, le plus grand fleuve de l’Australie méridionale. Ce n’étaient déjà plus les rives verdoyantes de l’île Kanguroo, mais des mornes arides, rompant parfois l’uniformité d’une côte basse et déchiquetée, çà et là quelque falaise grise, ou des promontoires de sable, enfin toute la sécheresse d’un continent polaire.

Les embarcations pendant cette navigation firent un rude service. Les marins ne s’en plaignirent pas. Presque toujours Glenarvan, son inséparable Paganel et le jeune Robert les accompagnaient. Ils voulaient de leurs propres yeux chercher quelques vestiges du Britannia. Mais cette scrupuleuse exploration ne révéla rien du naufrage. Les rivages australiens furent aussi muets à cet égard que les terres patagones. Cependant, il ne fallait pas perdre tout espoir tant que ne serait pas atteint le point précis indiqué par le document. On n’agissait ainsi que par surcroît de prudence, et pour ne rien abandonner au hasard. Pendant la nuit, le Duncan mettait en panne, de manière à se maintenir sur place autant que possible, et le jour, la côte était fouillée avec soin.

Ce fut ainsi que, le 20 décembre, on arriva par le travers du cap Bernouilli, qui termine la baie Lacépède, sans avoir trouvé la moindre épave. Mais cet insuccès ne prouvait rien contre le capitaine du Britannia. En effet, depuis deux ans, époque à laquelle remontait la catastrophe, la mer avait pu, avait dû disperser, ronger les restes du trois-mâts et les arracher de l’écueil. D’ailleurs, les indigènes, qui sentent les naufrages comme un vautour sent un cadavre, devaient avoir recueilli les plus minces débris. Puis, Harry Grant et ses deux compagnons, faits prisonniers au moment où les vagues les jetaient à la côte, avaient été sans nul doute entraînés dans l’intérieur du continent.

Mais alors tombait une des ingénieuses hypothèses de Jacques Paganel. Tant qu’il s’agissait du territoire argentin, le géographe pouvait à bon droit prétendre que les chiffres du document se rapportaient, non au théâtre du naufrage, mais au lieu même de la captivité. En effet, les grands fleuves de la Pampasie, leurs nombreux affluents, étaient là pour porter à la mer le précieux document. Ici, au contraire, dans cette partie de l’Australie, les cours d’eau sont peu abondants qui coupent le trente-septième parallèle ; de plus, le Rio-Colorado, le Rio-Negro, vont se jeter à la mer à travers des plages désertes, inhabitables et inhabitées, tandis que les principales rivières australiennes, le Murray, la Yarra, le Torrens, le Darling, ou affluent les unes aux autres, ou se précipitent dans l’Océan par des embouchures qui sont devenues des rades fréquentées, des ports où la navigation est active. Quelle probabilité, dès lors, qu’une fragile