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traces dans un pays où ils font généralement le métier de salteadores[1].

— Mais alors, demanda Glenarvan, quel parti devons-nous prendre ?

— Je vais le savoir, » répondit Paganel.

Et après quelques instants de conversation avec Thalcave, il dit :

« Voici son avis qui me paraît fort sage. Il faut continuer notre route à l’est jusqu’au fort Indépendance, — c’est notre chemin, — et là, si nous n’avons pas de nouvelles du capitaine Grant, nous saurons du moins ce que sont devenus les Indiens de la plaine Argentine.

— Ce fort Indépendance est-il éloigné ? répondit Glenarvan.

— Non, il est situé dans la sierra Tandil, à une soixantaine de milles.

— Et nous y arriverons ?…

— Après-demain soir. »

Glenarvan fut assez déconcerté de cet incident. Ne pas trouver un Indien dans les Pampas, c’était à quoi on se fût le moins attendu. Il y en a trop ordinairement. Il fallait donc qu’une circonstance toute spéciale les eût écartés. Mais, chose grave surtout, si Harry Grant était prisonnier de l’une de ces tribus, avait-il été entraîné dans le nord ou dans le sud ? Ce doute ne laissa pas d’inquiéter Glenarvan. Il s’agissait de conserver à tout prix la piste du capitaine. Enfin, le mieux était de suivre l’avis de Thalcave et d’atteindre le village de Tandil. Là, du moins, on trouverait à qui parler.

Vers quatre heures du soir, une colline, qui pouvait passer pour une montagne dans un pays si plat, fut signalée à l’horizon. C’était la sierra Tapalquem, au pied de laquelle les voyageurs campèrent la nuit suivante.

Le passage de cette sierra se fit le lendemain le plus facilement du monde. On suivait des ondulations sablonneuses d’un terrain à pentes douces. Une pareille sierra ne pouvait être prise au sérieux par des gens qui avaient franchi la Cordillère des Andes, et les chevaux ralentirent à peine leur rapide allure. À midi, on dépassait le fort abandonné de Tapalquem, premier anneau de cette chaîne de fortins tendue sur la lisière du sud contre les indigènes pillards. Mais d’Indiens, on n’en rencontra pas l’ombre, à la surprise croissante de Thalcave. Cependant, vers le milieu du jour, trois coureurs des plaines, bien montés et bien armés, observèrent un instant la petite troupe ; mais ils ne se laissèrent pas approcher, et s’enfuirent avec une incroyable rapidité. Glenarvan était furieux.

« Des gauchos, » dit le Patagon, en donnant à ces indigènes la dénomination qui avait amené une discussion entre le major et Paganel.

  1. Pillards.